La dernière forêt marécageuse d’Afrique de l’Ouest se trouve à Hlanzoun, au Bénin. Elle est le dernier refuge pour des espèces en voie de disparitions et une ressource essentielle aux localités alentours.
A Hlanzoun, au Bénin, se trouve un joyau vert : une forêt tropicale, traversée par le cours d’eau permanent du Hlan.
Une forêt aussi belle et nécessaire que menacée
On ne peut la traverser qu’en pirogue cette forêt tropicale où des arbres peuvent dépasser les 30 mètres de haut, où le taux d’humidité est très élevé (de 80 à 95%) et les températures supérieures à 30° C. Les sols étant gorgés d’eau, on risquerait, à pieds de nous retrouver avec de l’eau jusqu’à la taille, voir plus.
Parmi la diversité d’espèces florales présentes, l’Astonia congensis, est très caractéristique de cette forêt marécageuse. Il s’agit d’un arbre dit « à contreforts », qui a la particularité de présenter des enchevêtrements de racines très belles.
Mais, selon Vincent Romera, interrogé par nos confrères de Reporterre, cette forêt « est aussi emblématique de la disparition de plus en plus rapide des forêts naturelles africaines ».
Cet écologue, spécialisé en ornithologie travaille depuis 2018 pour l’organisation de solidarité internationale Humy, qui intervient dans le cadre de développement communautaire en lien avec la protection de l’environnement dans des zones intertropicales.
D’après le spécialiste, « Hlanzoun demeure une forêt secondaire en très bel état, qui abrite une formation végétale climatique rare _ le climax étant l’écosystème le plus stable possible en lien avec les conditions du sol et du climat _ , liée à son alimentation en eau constante. »
Une diversité incroyable
Vincent Romera et son collègue Abdou-Chérifou Ikoukomon, de l’ONG Ecodec Bénin, ont dénombré plus de 240 espèces de plantes, 45 de poissons et 170 à 195 espèces d’oiseaux, tous en voie de disparition. Mais la forêt abrite aussi différentes espèces d’insectes ainsi que 39 espèces de mammifères, dont des singes à ventre rouge.
« C’est un fait notable, cette forêt occupe une place de choix pour la conservation d’espèces en péril. Malheureusement son rétrécissement met en danger toute la biodiversité », alerte cet écologue.
Déforestation
Le sud du pays, étant en proie à la déforestation, « les forêts naturelles du Bénin ne représentent déjà plus qu’une surface inférieure à 1,5 % du territoire national en 2001 », selon le Global Forest Watch.
Un « grignotage » de la forêt qui ne cesse de croître au fil des années. Selon le Recensement général de la population et de l’habitation, réalisé par l’État béninois, et d’après Vincent Romera : « la pression anthropique devient trop forte. Très isolée, à quasiment 30 kilomètres de la première route goudronnée, la population limitrophe retire de la forêt environ 80 % de ses ressources : viande de brousse, coupes de bois (pour la construction et le charbon), production de sodabi (un alcool de palme distillé), culture de maïs, etc. Et la pression s’accentue, car cette population est en augmentation constante, et malheureusement s’appauvrit. »
Vincent Romera alerte : « La forêt de Hlanzoun stocke une quantité d’eau phénoménale, mais si l’on continue à arracher des arbres, elle ne pourra plus jouer son rôle tampon dans l’écrêtage des crues provenant du Hlan, et notamment à la période des grandes saisons pluvieuses. »
En 2021, alors que les changements climatiques se font de plus en plus sentir dans la région, les pluies sont arrivées avec quasiment trois de retard. Si la destruction de ces zones humides continue, cela pourrait bien avoir un impact sur l’écosystème, et donc la production agricole des peuples installés autours, menaçant in fine, leur autonomie alimentaire.
« Protéger quoi ? Pour qui ? A quelles fins ? »
La forêt de Hlanzoun, a été reconnue par l’Unesco, Réserve de biosphère, « ce qui devrait encourager sa sauvegarde par les gouvernements », espère Vincent Romera.
Pourtant, le conflit fait rage dans cette zone commune : les populations locales se méfient des programmes de conservation des lieux, les Chinois recherchent du bois pour fabriquer du charbon de chauffage.
Vincent Romera, s’insurge : « Pour éviter ces conflits d’usagers, où chacun veut tirer profit du milieu, il faudrait pouvoir débattre ensemble de ce que protéger veut dire : protéger quoi, pour qui, à quelles fins ? »
Face à cette urgente catastrophe écologique, des ONG béninoises et des chercheurs, se penchent sur un plan d’action, entre soutien à l’artisanat local, la création d’une filière apicole, l’élevage de certaines espèces chassées dans leur milieu naturel, et pourquoi pas, relancer l’écotourisme.