Côte d'Ivoire et Afrique occidentale
Niger : France et Etats-Unis sont divisés sur le sujet

Washington défend une ligne moins dure que Paris vis-à-vis des putschistes. Ceux-ci retiennent toujours le président destitué, Mohamed Bazoum depuis le 26 juillet.

Les putschistes jouent avec le temps et jouent de la division entre les Etats-Unis et la France. Face à la menace d’une intervention militaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour restaurer l’ordre constitutionnel au Niger, les militaires au pouvoir gagnent ainsi du temps. Les divisions sur le continent africain entre les partisans d’une ligne dure et ceux prônant le dialogue sont autant de divergences d’approches en faveur des putschistes.

Les deux puissances étaient les alliées du chef de l’Etat démocratiquement élu. Ce n’est plus le cas depuis le coup d’Etat du 26 juillet. Les deux puissances ne sont pas sur la même ligne. La France exige non seulement la libération de Mohamed Bazoum, retenu prisonnier par les hommes du général Abdourahamane Tiani, mais également sa réinstallation sur le fauteuil présidentiel. Elle soutient l’option militaire défendue par certains pays africains, notamment le Nigeria, et la Côte d’Ivoire. De même ne reconnaissant pas les décisions d’une junte jugée illégitime, la France n’envisage pas de retirer les 1 500 soldats français déployés au Niger.

La diplomatie américaine se montre, elle, plus souple. « France et Etats-Unis partagent la même analyse sur la nécessité de contenir l’extension des groupes djihadistes au Sahel. Ils condamnent l’un et l’autre les coups d’Etat et considèrent que les juntes n’offrent aucune garantie sécuritaire », précise Michael Shurkin, directeur de programmes chez 14 North Strategies, un cabinet de conseil spécialisé dans les affaires africaines. « A Washington, certes, il n’y a pas de consensus entre ceux qui jugent prioritaire la défense des valeurs démocratiques et ceux qui considèrent que l’usage de la force est inutile. Mais la plupart estiment qu’il faut maintenir ouvert un canal de discussion avec la junte, comme au Mali, même s’il faut pour cela prendre ses distances avec la France », ajoute M. Shurkin

Washington a dépêché à Niamey le 7 août, sa sous-secrétaire d’Etat par intérim, Victoria Nuland. La diplomate s’est alors entretenue avec un représentant des putschistes, le général Moussa Salaou Barmou. Au lendemain du putsch, Washington avait confirmé l’arrivée prochaine à Niamey de Kathleen FitzGibbon comme ambassadrice.

Ces initiatives sont mal perçues par les Français : « des coups de poignard dans le dos » selon un officiel français. La visite de Victoria Nuland n’a pourtant pas eu les effets et conséquences escomptées. Contrairement à sa demande, elle n’a pas pu voir le président Bazoum, pas plus qu’elle a pu s’entretenir avec le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani.

Cependant « la porte reste ouverte pour continuer de parler » afin de surmonter ce que Victoria Nuland a qualifié, « d’obstacle actuel à l’ordre démocratique ». Qualifier ainsi la prise de pouvoir des militaires  permet d’éviter d’évoquer un  « coup d’Etat », car légalement, cela contraindrait les Etats-Unis à interrompre toute aide au Niger.

Antony Blinken, le chef de la diplomatie des Etats-Unis, a rapidement fait savoir, après que la Cedeao eut annoncé la mobilisation de ses « forces en attente », qu’« il n’y a pas de solution militaire acceptable ». Mardi 15 août, il a précisé que selon lui, il existe « une marge pour la diplomatie ».

« On observe une franche hostilité des Américains à toute opération (…), ils tentent de jouer leur carte pour conserver leur base militaire au Niger et continuer à avoir des capacités d’observation au Sahel », observe la même source française proche du dossier. 1 100 soldats américains stationnent dans le pays, soit le deuxième plus grand contingent après celui des Français.

La coopération entre militaires français et américains au Sahel, notamment dans l’échange de renseignements, est fonctionnelle et complémentaire dans cette région où les groupes islamistes radicaux ne cessent de se développer, et d’asseoir leur emprise depuis une dizaine d’années.

Cependant l’intérêt stratégique n’est pas le même pour Paris ou Washington. Au-delà des risques liés à l’arrivée au pouvoir de régimes islamistes radicaux liés à des organisations terroristes comme Al-Qaida ou l’Etat islamique, les Européens considèrent que le Niger est un carrefour de routes migratoires vers l’Europe.

« Les Américains, eux, depuis les présidences Obama [ont d’autres priorités que la lutte contre le djihadisme au Sahel », estime cependant Michael Shurkin. Le chercheur rappelle que l’implantation militaire américaine au Niger se présente davantage comme une inertie bureaucratique plutôt que un intérêt sécuritaire. « A Washington, dit-il, on perçoit le Sahel comme une cause perdue où personne ne sait plus quoi faire. Le seul intérêt à rester au Niger serait d’empêcher la Russie de combler le vide. »

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