Côte d'Ivoire et Afrique occidentale
Casques bleus et Afrique ; le désamour

Les casques bleus, contingents de l’ONU pourraient s’effacer au profit des forces menées par des organisations régionales. Celles-ci seront financées par les Nations unies.

Assiste-t-on à la fin des opérations de maintien de la paix (OMP) des Nations unies ? A New York, l’on réfléchit aux évolutions à apporter à un modèle de plus en plus contesté dans les pays où les casques bleus sont déployés. Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, à Paris la semaine dernière précisait que « les opérations de maintien de la paix où il n’y a pas de paix à maintenir n’ont pas vraiment beaucoup de sens ».

La moitié des douze OMP actuelles prennent place en Afrique : en Centrafrique, au Mali, en République démocratique du Congo (RDC), au Sahara occidental, au Soudan. Ces OMP comptent plus 72 000 casques bleus sur les 86 000 personnels militaires, policiers et civils déployés sous le drapeau de l’ONU à travers le monde.

Eu égard aux différents contextes, ces OMP ne paraissent plus être un modèle efficace, à observer l’évolution des crises sur le continent. Entre cellules djihadistes, groupes politico-militaires défendant des agendas intra-étatiques ; les situations sont bien différentes de celles connues au moment de la création des ces forces d’intervention. Les gouvernements africains semblent privilégier l’intervention de paramilitaires privés, avec lesquels ils définissent le mandat, à l’instar du groupe russe Wagner, dont la présence a été confirmée en Centrafrique, au Mali, en Libye, au Soudan ou au Mozambique. Autre option pour les pays africains : faire le choix de forces d’un Etat en vertu d’un accord bilatéral.

Aussi, Antonio Guterres considère qu’il est temps de « repenser notre approche de la paix et de la sécurité » et de mettre en place une « nouvelle génération d’opérations d’imposition de la paix et de lutte contre le terrorisme menées par des organisations régionales », en particulier en Afrique. Cette évolution figure au menu du nouvel agenda pour la paix qu’il a lancé fin 2022 en vue d’amorcer « une refonte du multilatéralisme ».

Les OMP ont échoué à assurer ce qui fait la nature de leur mandat : la protection des civils. Au Mali, par exemple, si le développement de l’insécurité incombe pour une bonne part aux autorités maliennes ; les échecs des casques bleus, révèle aussi les limites de l’intervention onusienne pensée comme une mission d’aide à la reconstruction de l’Etat en complément de la force antiterroriste française « Barkhane »déployée à partir de 2014 dans le nord.

Pour pallier l’échec de OMP, les gouvernements africains se tournent aujourd’hui vers opérations militaires nées d’accords bilatéraux, ainsi que sur des partenariats avec des structures privées. En Centrafrique et au Mali, les autorités ont fait appel à la milice russe Wagner. Dans le même temps, les manifestations contre les opérations de l’ONU se sont multipliées.

« Les missions intégrées sont à bout de souffle, trop déconnectées des contextes locaux, trop centralisées à New York. Les lourdes présences militaires ne peuvent plus fonctionner sur un continent où le rôle de l’Occident est de plus en plus mis en cause et où les pays n’acceptent plus les solutions imposées par le Nord », analyse Aurélien Llorca, chercheur associé à l’Institut de hautes études internationales et du développement, à Genève.

Afin de répondre aux besoins des pays du Sud, Antonio Guterres plaide pour des missions africaines « robustes pour imposer efficacement la paix », mandatées et financées par l’ONU. Ainsi en Somalie, la mission de l’Union africaine (UA), nommée Amisom et financée en moyenne à hauteur de 520 millions de dollars par an par l’ONU, apparaît comme le nouveau modèle à promouvoir. Amnisom est structurée autour d’une coalition de forces régionales venues du Burundi, de Djibouti, d’Ethiopie, du Kenya et d’Ouganda.

Afin d’accompagner le financement aux opérations africaines, le Conseil de sécurité réfléchit à un projet de résolution sur une prise en charge à 100 % des opérations africaines mandatées par l’ONU. Un vote est attendu à l’automne.

 « Les évolutions géopolitiques récentes et la guerre en Ukraine font qu’ils courtisent et cherchent à mieux répondre aux préoccupations des pays du Sud global, et notamment des Etats africains. Ils cherchent des modèles alternatifs de sécurité. La Russie n’a pas de raison de s’y opposer. » précise l’enseignant-chercheur Arthur Bouteillis,

Symbole de l’affaissement du multilatéralisme, la France, a été la première à prôner l’intervention des soldats rwandais au Mozambique en juillet 2021. Ainsi, à l’époque, afin de lutter contre les djihadistes qui menaçaient notamment les projets gaziers de Total dans la province septentrionale du Cabo Delgado, l’UE avait adopté une mesure d’assistance de 20 millions d’euros afin de soutenir le déploiement de ces militaires qui, jusque-là, servaient le plus souvent sous la bannière de l’ONU.

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