L’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, n’est pas inclus dans la liste électorale provisoire publiée par la Commission électorale indépendante, samedi 20 mai 2023. Cette décision fait suite à sa condamnation en Côte d’Ivoire pendant son procès devant la Cour pénale internationale.
Jeudi 18 janvier 2018, Laurent Gbagbo et trois de ses anciens ministres, dont l’ancien Premier ministre Gilbert Aké Ngbo, ont été condamnés par la justice ivoirienne à 20 ans de prison. Ils ont également été condamnés à payer solidairement une amende de 329 milliards de FCFA. Cette sanction intervenait à la suite de leur implication présumée dans l’affaire du « braquage de la BECEAO » pendant la crise politique de 2010-2011. Le verdict a conduit à la perte des droits civiques et politiques de Laurent Gbagbo.
Samedi 20 mai, lors d’une réunion d’information, la Commission électorale a remis une clé USB contenant la liste des électeurs aux partis politiques. Cependant, le nom de Laurent Gbagbo, qui avait été préalablement retiré de la liste électorale, n’a pas été réinscrit.
Sébastien Dano Djédjé et Georges Armand Ouégnin, représentant le PPACI, ont dénoncé cette situation. « Nous constatons que le président Laurent Gbagbo n’est pas sur la liste provisoire », a regretté Dano Djédjé, qui a rappelé que Laurent Gbagbo avait été arrêté en 2011, passé huit ans en prison, puis acquitté définitivement. « Après son retour en Côte d’Ivoire, le 21 juin 2021, il s’était volontairement inscrit sur la liste électorale. Cependant, son nom n’y figure pas. Selon les informations disponibles, il est parmi les personnes radiées », a déploré le chef de la délégation du PPACI.
Pour Dano Djédjé, ce cas est une injustice qui remet en question la crédibilité de la Commission électorale indépendante et compromet le processus électoral lui-même. Les représentants du PPACI ont donc décidé de se retirer de la cérémonie en signe de protestation, estimant qu’ils ne se sentaient pas concernés et que cela pouvait avoir un impact sur la cohésion sociale et la recherche de la paix durable dans le pays.
Pou sa part, le Président de la CEI, M. Coulibaly Kuibiert, soutient que Laurent Gbagbo a été radié de la liste électorale depuis 2020, et les raisons de sa radiation persistent. Selon lui, il était évident que Laurent Gbagbo ne serait pas sur la liste électorale de 2023, car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Malgré les démarches entreprises pour demander son inscription, la commission électorale a maintenu sa décision. Les recours devant le tribunal n’ont pas abouti. Par conséquent, d’après le Président de la CEI, rien n’a changé et même s’il se présente mille fois, il ne sera pas inscrit sur la liste électorale : « C’est parce que le président Gbagbo n’est pas sur la liste électorale qu’ils ont saisi la commission pour demander son inscription. Ils n’ont pas eu gain de cause. C’est pour cette raison qu’ils ont saisi le tribunal. Ils n’ont pas eu gain de cause. Mais ça n’a pas changé ! Le dernier mot appartient au président du tribunal compétent. Et le président du tribunal a rendu une décision confirmant la position de la commission électorale quant à sa radiation de la liste électorale. Donc rien n’a changé ! Il viendra s’inscrire mille fois, mille fois il ne sera pas sur la liste parce que le motif pour lequel il n’est pas sur la liste est la déchéance et non l’inscription ! », a argumenté Coulibaly Kuibiert.
Toutefois, selon le journaliste-écrivain Serge Bilé, Laurent Gbagbo est victime d’une injustice qui doit être condamnée. Il compare cette situation à celle où Alassane Ouattara était empêché d’être candidat à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, et exprime son soutien à Laurent Gbagbo qui demande sa réinscription sur la liste électorale. Serge Bilé considère que l’arbitraire politique actuel n’est pas plus acceptable que celui du passé. Il souligne qu’il ne soutient aucun des trois hommes politiques, à savoir Ouattara, Gbagbo et Bédié, car depuis 30 ans, la Côte d’Ivoire subit les haines et rancœurs accumulées de ces trois hommes et de leurs partisans, tout en rappelant que la roue finit toujours par tourner. « De la même façon que j’avais soutenu Alassane Ouattara, quand on l’empêchait d’être candidat à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, je soutiens Laurent Gbagbo qui demande sa réinscription sur la liste électorale, dont il a été radié après une mascarade de justice, en son absence. » Serge Bilé met en garde contre le fait de compromettre les principes démocratiques en Afrique, car cela pourrait nourrir des tensions susceptibles de conduire tôt ou tard à une explosion.
Réagissant à une question lors d’une interview accordée à la chaîne France 24, à propos de sa condamnation par la justice ivoirienne, Laurent Gbagbo a répondu qu’il n’attend rien d’Alassane Ouattara. « Il n’y a aucune épée de Damoclès qui pèse sur moi parce que je n’ai jamais braqué une banque. Je ris et je dis que c’est une mauvaise plaisanterie. On ne va pas me faire admettre ce qui est inadmissible », a-t-il affirmé.
Lundi 22 mai, au cours d’une conférence de presse tenue au siège du PDCI-RDA, le porte-parole du parti, Soumaila Bredoumy, a dit qu’il n’était pas dans l’intérêt de tous de mettre de l’huile sur le feu dans le contexte actuel. « Je rappelle que la même situation s’est présentée pour le président Ouattara, et c’est le président Gbagbo qui a pris un décret permettant à tous d’être candidats à la présidence. Il est important d’éviter de créer des troubles. La communauté internationale sait que le président Gbagbo a été acquitté par la CPI. Si nous nous en tenions à cela, ce ne serait pas mal », a-t-il souligné.
« Cette condamnation n’a jamais été signifiée au président Gbagbo. Monsieur Coulibaly Kuibert semble être bien plus informé que l’intéressé lui-même. Maintenant, s’il affirme que dans cette décision, il est clairement indiqué que le président Gbagbo est déchu de ses droits civiques et politiques, qu’il la publie donc. Je lance un défi à quiconque détient cette décision de la rendre publique », a déclaré Me Habiba Touré, de son côté.