Alors que le pays doit faire face à une fuite des médecins vers l’Occident, une proposition de loi visant à retenir les jeunes praticiens au moins cinq ans dans le pays provoque un grand émoi.
Une économie à la dérive avec une inflation dépassant les 22 % en mars, l’insécurité généralisée, des infrastructures défaillantes et des salaires trop bas, poussent entre entre 100 et 200 médecins à quiiter le Nigéria chaque mois. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) elle-même a alerté sur le nombre de travailleurs médicaux disponibles en baisse généralisée. Le gouvernement fait face en déposant une proposition de loi qui les forcerait à pratiquer pendant cinq ans au Nigeria avant d’obtenir leur diplôme.
Les recommandations de l’OMS donnent un ratio d’un médecin pour 600 patients. Mais au Nigéria, on compte seulement un médecin pour 10 000 patients, officiellement. Cependant selon le président de l’Association nigériane des médecins résidents (NARD), parle plutôt d’un médecin pour 30 000 patients. « C’est un énorme déficit. Il faut parfois attendre des jours pour voir quelqu’un lorsqu’on est malade. Cette situation retarde évidemment les traitements et accroît les tensions à l’hôpital », s’émeut le docteur Emeka Orji.
Pour autant la proposition de loi « contre la fuite des cerveaux » ne semble pas donner satisfaction. Elle apparaît aux yeux de certains comme « draconienne et impossible à mettre en œuvre ». La corporation demande son retrait immédiat. Il serait préférable que le « problème soit traité à la source », avec l’amélioration des conditions de travail et des salaires pour les personnels de santé. Au Nigéria, les médecins ne bénéficient pas d’assurance ou d’autres avantages liés aux risques professionnels, accrus par le manque d’équipements de protection dans les hôpitaux publics. On déplore la fuite vers l’étanger également dans les établissements privés où les salaires ne sont pas plus valorisés.
« Nous avons perdu énormément de membres au pic de la pandémie de Covid-19 et encore plus parmi les médecins au contact de patients infectés par la fièvre de Lassa. Mais il n’y a eu aucune compensation pour les familles », se remémore Okhuaihesuyi Uyilawa, qui était président de la NARD en 2020. Les médecins se sentent incompris, acculés et cherchent des voies de sorties. Ainsi en s’installant en Grande-Bretagne, un médecin peut espérer voir son salaire être valorisé de « dix fois » à celui gagné au Nigeria.
