Côte d'Ivoire et Afrique occidentale
Burkina Faso : la stratégie de lutte antiterroriste de la junte montre ses limites

La junte au pouvoir vient de décréter la mobilisation générale et recruté de nouvelles forces supplétives de l’armée ; mais pour quels effets ?

La stratégie de lutte contre le terrorisme djihadiste du capitaine Ibrahim Traoré met à contribution des volontaires. Mais est-ce le bon choix ? Est-ce efficace ? Ainsi, le 15 avril un camp des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), a été attaqué dans la localité d’Aoréma, au nord du pays. L’attaque a a fait des victimes ; huit soldats et trente-deux. Des sources sécuritaires et humanitaires évoquent quant à elles près de soixante-dix combattants tués, des Volontaires pour la défense de la patrie en grande majorité.

Le camp a été « pilonné pendant plus d’une heure par plusieurs centaines d’assaillants, arrivés à moto et à bord de pick-up lourdement armés » précise une source sécuritaire burkinabée. L’attaque est attribuée au Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), la filiale d’Al-Qaida au Sahel.

Cette nouvelle vient grossir la liste des victimes des offensive des groupes quoi opèrent au Burkina depuis 2015. Cette insurrection a déjà fait plus de 13 000 morts, selon l’ONG Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled).

Une stratégies assumée

L’une des promesses du Capitaine Traoré à son arrivée au pouvoir était un engagement renouvelé de la lutte et suppression à terme du fléau djihadiste. Pour ce faire, le régime du capitaine Ibrahim Traoré, dit avoir recruté plus de 90 000 VDP depuis octobre 2022. Cependant ces civils sont brièvement formés par l’armée avant d’être déployés sur le terrain. Le camp d’Aoréma, mis en place il y a quelques mois, était l’un des principaux centres de supplétifs du nord du pays. Cependant « l’armée dispose de deux camps, protégés, à l’intérieur de la ville de Ouahigouya. Pourquoi l’état-major n’a-t-il pas transféré l’un d’eux à Aoréma, au lieu d’installer les VDP dans cette zone périphérique insécurisée ? Ils sont envoyés au charbon à la place des soldats » observe une source sécuritaire.

Des forces supplétives très exposées ….

Aussi, les VDP sont-ils les premiers exposés à la violence djihadiste et sont les premières victimes de la lutte antiterroriste. Plus de cent cinquante d’entre eux ont été tués dans des affrontements avec des groupes islamistes depuis janvier 2022. Apparemment les groupes islamistes contrôlent aujourd’hui plus de 40 % du territoire. C’est la raison pour laquelle, les autorités ont annoncé la mobilisation générale dans le but de « donner à l’Etat tous les moyens nécessaires » pour vaincre l’ennemi.

Au début du mois d’avril, le chef d’état-major, le colonel major Célestin Simporé, a annoncé une accélération de l’offensive de l’armée. Cette nouvelle opération, lancée conjointement avec l’armée malienne et baptisée « Kapidougou » (« la ruche » en langue mooré), mobilise un peu plus de 800 soldats. Le gouvernement a annoncé qu’il avait déployé des renforts aériens qui ont permis  « de détruire une colonne terroriste qui tentait de s’exfiltrer ».

… et des civils non moins exposés

Les civils non armés  sont bien souvent les victimes immédiates des affrontements entre les terroristes et l’armée. Les raids des 6 et 7 avril à Kourakou et Tondobi, en lisière de la frontière nigérienne, au cours desquels quarante-quatre villageois ont été tués, en est une nouvelle démonstration. « Armer massivement les populations pour les impliquer dans la lutte contre les groupes djihadistes fait des civils des cibles privilégiées de ces derniers, qui s’attaquent à eux en représailles » précise le chercheur Tanguy Quidelleur.

Et la pression s’exerce bien sur les civils et les habitants des localités présentes sur les scènes d’affrontements. En novembre 2022, Jafar Dicko, chef d’Ansaroul Islam, avait menacé de représailles les localités dont les habitants seraient tentés de combattre aux côtés de l’armée. L’ONG Acled lui attribue près de 230 attaques depuis le début de l’année, au cours desquelles plus de 770 personnes ont été tuées.

Depuis janvier, à Ouahigouya, au moins une dizaine de civils ont été tués par les soldats burkinabés et les VDP, toujours selon Acled.  Simultanément, les enlèvements de civils suspectés de collaborer avec l’ennemi se multiplient. Des kidnappings que les proches et plusieurs sources attribuent aux services de renseignement burkinabés.

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