Le texte en projet de la nouvelle Constitution qui doit être soumis à un référendum le 19 mars.
Le projet de Constitution du Mali, remis lundi 27 février au colonel Assimi Goïta, chef de l’État depuis mai 2021, divise à la fois la classe politique et la société civile malienne. Ainsi le projet de loi fondamentale renforce considérablement les pouvoirs du président. La présidence qualifie le projet tel un « l’aboutissement d’un processus de renouveau démocratique », cristallisant « l’espoir de la nation tout entière ».
Si le nouveau texte précise que le président ne peut « en aucun cas » briguer plus de deux mandats, il lui donne la possibilité de prendre des « mesures exceptionnelles » en cas de menace « grave et immédiate » à laquelle aurait à faire face le pays. Ainsi le président peut également « ordonner la mobilisation générale » des citoyens afin de défendre la patrie « lorsque la situation sécuritaire l’exige ».
A la lecture de ce projet, constat est fait que tout converge vers le président : conduite de la politique de la nation à la place du gouvernement, pouvoirs de nomination et de révocation du premier ministre et des ministres, initiative des lois au même titre que les parlementaires, responsabilité du gouvernement devant lui et non plus face à l’Assemblée nationale et enfin, possibilité de dissoudre cette dernière
Apparaît également une mesure des plus symboliques d’un « populisme » que dénonce Kassoum Tapo, ancien ministre de l’administration territoriale et membre du Cadre d’échanges, un regroupement de plusieurs partis : le français perd son statut de « langue d’expression officielle » au profit des nombreuses langues nationales parlées dans le pays et devient dès lors une simple « langue de travail ». Selon Kassoum Tapo, « ils veulent transposer dans la Constitution le sentiment antifrançais qui est monté dans la rue. S’ils avaient eu le courage d’aller jusqu’au bout de leur logique, il fallait prendre le russe comme langue officielle ».
L’ancien ministre de la Justice Mamadou Ismaïla Konaté dénonce lui aussi la nature au le fond du projet. « La raison d’une révision constitutionnelle doit être de corriger ce qui a posé problème, or on fait l’inverse », explique M. Konaté.
M. Konaté envisage avec perplexite le référendum du 19 mars. « Ce régime va faire adopter, avec un taux de participation qui aura du mal à dépasser les 10 %, un texte qui va régir la vie des gens, anticipe-t-il. Mais comme ils[les putschistes] ont les armes et le pouvoir, ils font ce qu’ils veulent. »
Cette révision constitutionnelle provoque de nombreuses réactions depuis ces dernières semaines. Ainsi, la réunion de préparation du référendum organisée par le gouvernement le 12 janvier a été boycottée par la plupart des partis politiques. Les groupes armés du Nord signataires de l’accord de paix d’Alger avec l’Etat en 2015 ont quand à eux, refusé de siéger au sein de la commission chargée de finaliser la rédaction de la Constitution. Selon eux, le nouveau projet a ignoré les dispositions de cet accord, supposé décentraliser de nombreux pouvoirs en faveur des Maliens du Nord.
Une partie de la communauté musulmane est elle aussi opposée à cette nouvelle Constitution. Selon elle, une trop grande place est accordée à la laïcité, au détriment de l’islam. Les autorités sont donc contraintes au compromis. Ainsi, le nouveau projet amendé précise que la laïcité « ne s’oppose pas à la religion et aux croyances ».
« En faisant adopter ce projet de nouvelle Constitution, selon lequel tout Malien peut se porter candidat, ils [les putschistes] cherchent à faire sauter la Charte de transition [adoptée au lendemain du coup d’Etat], qui leur interdit de se présenter à l’élection », soutient-il. Au moment de l’adoption de la loi fondamentale, la junte pourrait faire valoir l’inconstitutionnalité de la Charte, la supprimer, et permettre ainsi à ses membres de se porter candidat.
Apparemment la stratégie qui consiste à faire taire les voix de contestation doit suffir à dissuader toute protestation. Et ce même si certains , dont Kassoum Tapo, pensent que ce projet constitutionnel pourrait fédérer la classe politique contre le pouvoir en place.
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