Une étude collective parue dans « L’Information psychiatrique (Cybercriminalité et occultisme chez des adolescents ivoiriens) » menée par l’anthropologue ivoirien Paulin Konan, chargé de recherches à l’Institut national de santé publique (INSP), révèle le lien entre cybercriminalité et maraboutage.
« Je suis obligé d’attacher les Blancs pour qu’ils puissent m’envoyer l’argent sans s’en rendre compte. Ils sont devenus beaucoup plus prudents maintenant ».
Ce sont les paroles d’un escroc en ligne ivoirien rapportées par Paulin Konan dans son étude.
Un autre « brouteur », comme on appelle en Côte d’Ivoire les cyber-arnaqueurs, explique: « Depuis un certain temps, nous mouvements ne marchent plus comme avant, les Blancs sont devenus « trop esprit ». Il faut que nous employions les grands moyens (fétichisme et pratiques mystiques) que nous ont laissés nos ancêtres pour avoir le dessus. »
Maraboutage et cybercriminalité : les nouveaux sorciers du net
En Afrique de l’Ouest, notamment à Abidjan, le recours aux pratiques mystiques est devenu quasi systématique chez les jeunes cybercriminels. « dans le cas des brouteurs, nous avons observé une augmentation du recours aux pratiques mystiques lorsque les Occidentaux ont pris conscience du danger et ont commencé à mettre des garde-fous. Avec la répression et la sensibilisation, les gains ont diminué et les brouteurs sont venus chercher d’autres moyens de rentabiliser leurs activités », indiquent Paulin Konan et son collègue, Samuel Traoré, médecin psychiatre à l’INSP et coauteur de l’étude.
Franck Kié, président et fondateur de Ciberobs, une plate-forme spécialisée dans la cybersécurité africaine, déclare que « le nombre de cybercriminels a beau avoir continué d’augmenter ces dernières années, l’évaluation du préjudice global, elle, reste stable : autour de 10 milliards de francs CFA (quelque 15,2 millions d’euros) par an ».
La population est donc plus nombreuse à se partager les gains : « Les affaires sont devenues plus difficiles pour le brouteur sans compétences informatiques, qui faisait la cybercriminalité basique. Ceux qui s’accrochent développent des stratégies de plus en plus sophistiquées, et pratiquent désormais fréquemment des rites mystico-religieux », explique le spécialiste.