Volé en 1916 par l’administration coloniale française, le djidji ayokwé (« tambour parleur ») est en cours de restitution à la Côte d’Ivoire. Un évènement « inédit » selon les historiens de l’art et le monde culturel.
Lundi 7 novembre 2022, dix membres de la fratrie des Bidjan ont fait le déplacement jusqu’au Musée du quai Branly, à Paris, pour une cérémonie de « désacralisation » de leur « tambour parleur ». « Nous avons demandé à l’esprit qui est dans le tambour de se retirer pour autoriser les techniciens du Musée du quai Branly à faire les travaux de consolidation », explique Guy Djagoua, le porte-parole des chefs Bidjan.
A compter du 14 novembre et deux semaines durant, cette œuvre africaine qui avait été volée en 1916 à la Côte d’ivoire par l’administration coloniale française, sera restaurée dans un laboratoire spécialisé d’Aubervilliers, en banlieue parisienne.
« Une nouvelle histoire » qui s’écrit
Ce tambour serait le premier des 148 objets pillés réclamés par la Côte d’Ivoire à revenir au pays après que le président français Emmanuel Macron ait promis en octobre 2021 lors du sommet Afrique-France, à les restituer.
« C’est beaucoup d’émotion. Je réalise que la question du retour est une réalité. J’ai vu cet objet enlevé dans la douleur, arraché, coupé de sa source. On ne peut pas effacer cette histoire mais, désormais, on l’appréhende autrement », explique Silvie Memel Kassi, la directrice générale de la culture au ministère ivoirien de la culture. Sa place au musée des civilisations d’Abidjan est déjà toute trouvée », ajoute-t-elle ensuite.
Françoise Remarck, ministre ivoirienne de la culture et de la francophonie, s’enthousiasme quant à elle de la restitution de cet objet. « On écrit une nouvelle histoire », a-t-elle déclaré. « Le bien est parti dans des conditions assez tragiques, il est donc intéressant de voir qu’un siècle après, il revient avec un vrai dialogue entre les conservateurs et les communautés ».
L’histoire du « tambour parleur »
« Le djidji ayôkwé, qui signifie panthère-lion, était un outil de communication et de résistance face aux colons français. L’œuvre longue de 3,31 mètres et lourde de 430 kilos avait une portée de 2à kilomètres. Ses sons permettaient de communiquer avec les villages sans être compris des colons. Ces derniers, agacés, l’ont pris des mains de Nangui Abrogoua, le chef Tchamans, dont l’un des descendants a assisté à la cérémonie », racontent nos confrères du Monde d’après les explications de Bénédicte Savoy, historienne de l’art et corédactrice avec l’universitaire et écrivain Felwine Sarr, d’un rapport sur la restitution du patrimoine africain.
Le tambour avait une importance culturelle et sociale pour les villages d’Eburnie, qui n’arrivaient plus à se réunir après son vol.
Sa restitution est donc vécue par les chefs Bidjan comme un nouveau commencement , car désormais, sous l’impulsion du ministère de la culture, des réunions entre villages sont organisées chaque semaine, ce qui ne se faisait plus depuis 106 ans », précise Guy Djaouga.
La ministre ivoirienne de la culture a réclamé le vote d’une « loi-cadre » puisqu »au-delà de ce bien, beaucoup de pays africains sont concernés par ces dossiers ». Selon elle, « une telle loi permettrait d’accélérer le mouvement » de restitution des biens, sans qu’il y ait besoin de débat.