Les tensions entre la junte au pouvoir et la presse se multiplient alors que la Haute Autorité de la communication a décidé de suspendre Joliba TV News en raison de « propos diffamatoires » contre la junte.
« La liberté d’expression est en danger, la démocratie avec. Nous sommes dans la dictature de la pensée unique. » Ainsi s’était exprimé le journaliste malien Mohamed Attaher Halidou dans une intervention diffusée sur Joliba TV News le 30 septembre. Mercredi 2 novembre, Joliba TV News a été suspendue pour deux mois par la Haute Autorité de la communication (HAC) du Mali. L’interruption forcée est très certainement une manifestation claire du durcissement de la censure au Mali.
En effet, depuis l’arrivée au pouvoir de la junte à la suite du double coup d’État d’août 2020 et de mai 2021, les actions de censure sont de plus en plus nombreuses. La Haute Autorité de la communication a justifié sa décision arguant des « propos diffamatoires et des accusations infondées » contre l’institution elle-même et les autorités de la transition.
Cette décision fait suite à l’éditorial de Mohamed Attaher Halidou, faisant lui-même suite à l’intervention du premier ministre, Abdoulaye Maïga, le 27 septembre à la tribune de l’Organisation des Nations unies. Abdoulaye Maïga avait prononcé un discours trè dur contre la France et certains présidents africains. Ces propos avaient alors été critiqués par Mohamed Attaher Halidou, le journaliste vedette de Joliba TV News.
« Ce discours contient beaucoup de vérités mais nous devons aussi avoir le courage de dire qu’il manque par endroits d’élégance républicaine. » « Les colonels au pouvoir gouvernent avec l’opinion de la foule et la foule, par définition, ne réfléchit pas. Attention au naufrage », ajoutait le chroniqueur, avant d’appeler la HAC à « prendre ses responsabilités pour arrêter le désordre » sur les réseaux sociaux maliens.
Un journaliste de Joliba TV News, s’exprimant anonymement, a jugé « excessive » la décision de de la HAC : « le but est de nous donner une leçon. C’est une tentative de musellement de la presse. Certains sujets sont devenus tabous aujourd’hui au Mali, comme les relations entre notre pays et la France. Et nous, nous sommes malheureusement catalogués [anti-junte] ».
Les déboires de la chaîne avec le régime militaire ont commencé fin avril, après la suspension « jusqu’à nouvel ordre » de France 24 et de Radio France internationale (RFI) au Mali. La diffusion le 31 octobre d’une enquête de BFM-TV sur les mercenaires russes n’a pas apaisé les esprits. En effet, Malick Konaté, un journaliste malien cité au générique comme ayant contribué à l’enquête, a fait l’objet d’un lynchage en ligne sur les réseaux sociaux.
« Des journalistes sont menacés. Certains se cachent. Les gens ont peur, se sentent suivis, écoutés. Il y a toute une culture de l’autocensure qui se met en place. C’est alarmant », déplorait vendredi 28 octobre, dans un entretien au Monde, la secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard.
« Il faut que ces pressions cessent. Nous craignons que le Mali devienne un véritable trou noir de l’information » a également précisé Sadibou Marong. Le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de Reporters sans frontières a également dénoncé les « pressions exercées par la junte sur les médias internationaux. Cette pression a obligé certains médias à délocaliser la plupart de leurs collaborateurs hors du Mali, et ce pour des raisons de sécurité.