Le procès était attendu. En exil au Burkina Faso depuis 2009, le capitaine Dadis Camara est rentré en Guinée, le 21 décembre 2021, pour répondre à la convocation de la justice de son pays, à en croire ses avocats. Il comparait devant le tribunal, depuis mercredi, avec une dizaine de coaccusés. Les prévenus sont poursuivis pour le massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry.
Dadis Camara était à la tête du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la junte militaire qui a pris le pouvoir après la mort du président Lassana Conté. Le 24 décembre 2008, il s’est autoproclamé président de la Guinée.
À sa prise de pouvoir, le capitaine Dadis Camara s’était engagé à organiser des élections libres et transparentes, en janvier 2010 et avait aussi rassuré que les membres du CNDD et les membres du futur gouvernement de transition ne seraient pas candidats à ces joutes électorales.
Le nouvel homme fort de la Guinée avait fait de la lutte contre la drogue et la corruption son cheval de bataille. « La drogue cause un énorme préjudice non seulement au peuple guinéen, mais à tous les opérateurs économiques. C’est pourquoi j’ai décidé de la combattre pour redorer l’image de marque de mon pays », confiait-il au cours d’une conférence de presse à Conakry. Plusieurs personnalités seront ainsi arrêtées.
Mais, très vite, l’opposition le soupçonne de vouloir se présenter à l’élection présidentielle à venir. Un rassemblement est organisé au stade de Conakry le 29 septembre 2009 pour, entre autres, lui rappeler sa promesse de ne pas briguer un mandat présidentiel. La manifestation sera réprimée dans le sang par la junte militaire. D’après un rapport d’une commission d’enquête de l’Onu, on dénombre 156 personnes tuées, des milliers de blessés et au moins 159 femmes violées.
Le 3 décembre 2009 Dadis Camara est victime d’une tentative d’assassinat. En visite au camp militaire Koundara, son aide de camp, Boubacar Sidiki Diakité, tire sur lui et manque de le tuer. Il est blessé à la tête et au cou. L’aide de camp reprochait au chef de la junte de vouloir lui imputer la responsabilité de la tuerie. Le président est transféré au Maroc avant de s’exiler au Burkina faso. Le général Sékouba Konaté, le no 2 de la junte, assurera l’intérim.
En fuite après son forfait, Boubacar Sidiki Diakité, qui accuse Dadis Camara d’avoir commandité le massacre, a été arrêté en décembre 2016 à Dakar, au Sénégal, puis extradé en Guinée où il a été incarcéré.
Treize ans plus tard, l’ancien chef de la junte est de retour en Guinée pour, selon ses avocats, « laver son honneur ». Les conditions de sa comparution sont toutefois dénoncées par son conseil. Dadis Camara et ses coaccusés ont été mis en détention à la veille de leur procès. Selon Me Salif Béavoguy, qui était interrogé par la presse, son client ne devrait courir aucun risque jusqu’à ce que l’audience s’ouvre, jusqu’à ce qu’une décision n’ intervienne. « À ce stade, ni le procureur de la République ni la juridiction de jugement ne pouvaient priver nos clients de leur liberté dès lors que la décision judiciaire qui résultait de l’instruction et qui a permis l’organisation du procès n’indique une quelconque privation de liberté. On les a envoyés en prison, à la veille du procès, sans titre de détention », déplore l’avocat.
Du côté des victimes, Asmaou Diallo, la présidente de l’AVIPA (Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009) exprime un sentiment de soulagement quant à l’ouverture du procès. « Nous voulons la vérité, nous voulons qu’il y ait des réparations, nous voulons une reconnaissance nationale pour toutes les victimes. Nous espérons avoir une justice transparente, pas une parodie de justice », a-t-elle déclaré à France 24.