L’autotest est une pratique plus facile que le test sanguin et son usage aisé facilite le dépistage de populations plus difficiles à atteindre, comme celui des milieux homosexuels, transgenres, et prostitués.
En Afrique, on estime à un tiers des personnes infectées par le VIH ne connaissent pas leur statut sérologique. Au nombre de celles-ci, on compte des populations fragiles et fragilisées ; vulnérables et victimes de discrimination comme le sont les bisexuels et homosexuels, femmes et hommes prostitués, consommateurs de drogues injectables.
Après avoir réfléchi sur les moyens de sensibiliser et d’atteindre ces populations, l’ONG Solthis a créé le programme d’autodépistage Atlas pour l’Afrique de l’Ouest et centrale, avec le soutien financier de l’organisation Unitaid et de l’Agence française de développement (AFD). Ainsi en Côte d’Ivoire, Mali et Sénégal entre 2018 et 2022 le programme a permis la distribution de 400 000 autotests oraux par l’entremise d’éducateurs.
« L’un des gros avantages de l’autodépistage, c’est son caractère confidentiel », déclare Joseph Larmarange, démographe en santé publique et coordinateur des activités de recherche du projet Atlas. Une fois testés, il faut attendre le temps de l’acceptation. Ainsi il faut entre un à trois mois pour que les malades dépistés intègrent un parcours de soins.
« Au départ, ce n’était pas facile de laisser mes testeurs repartir sans savoir si le résultat ne serait pas perdu, témoigne Amlan Etage, un éducateur de l’ONG Arc-en-Ciel + qui travaille depuis dix ans à sensibiliser les milieux gays, prostitués et toxicomanes d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Mais finalement, ils m’ont tous recontacté et je suis devenu un véritable relais jusqu’aux soins. Je peux dédramatiser la maladie, car elle est aujourd’hui maîtrisable. Même quand le test est négatif, on peut convaincre les personnes très exposées de se mettre sous traitement préventif (PrEP). Avec les progrès de la science, tu es aujourd’hui un porteur de bonne nouvelle. Petit à petit, j’ai été contacté au-delà de mon réseau gay : j’ai réussi à toucher des femmes, des hétérosexuels. C’est là que j’ai compris que l’autotest oral faisait vraiment la différence en termes d’impact. »
Et les mentalités et pratiques évoluent. Ainsi des prostituées offrent parfois en cadeau à offrir aux clients… des autotests. « Une population qu’on a beaucoup de mal à toucher car beaucoup n’ont pas conscience du risque qu’ils prennent », explique Clémence Doumenc-Aïdara, directrice du projet Atlas en Afrique de l’Ouest et centrale.« L’autotest est même devenu un outil de négociation avec ceux qui ne veulent pas utiliser de préservatif. Les travailleuses du sexe parviennent la plupart du temps à les convaincre de se tester sur-le-champ et leur offrent un autotest pour leur femme. Elles deviennent de vrais relais de prévention. ». Une prostituée témoigne : « J’offre l’autotest à tout le monde autour de moi. A mes clients, mais aussi à mes amies. Je n’ai plus peur de parler du sida. »
L’autotest présente un avantage. Il est pratique et facile à utiliser. Il est indolore, plus simples à utiliser et moins agressif que le prélèvement micro sanguin. Le résultat est connu en quelques minutes et l’autotest est fiable à 93 %.
Les résultats du projet Atlas, sont « excellents » en Côte d’Ivoire, selon Olivier Geoffroy, directeur local de Solthis. Les pouvoirs publics avaient intégré l’autodépistage dans son Plan national de lutte contre le sida dès 2016. Le Sénégal et le Mali, ont également participé au programme à titre expérimental, et sont sur le point de l’intégrer officiellement à leur tour dans leur politique de lutte contre le sida. Le Niger, la Mauritanie, la Guinée et le Cameroun, ont sollicité quant à eux l’ONG pour son expertise technique afin de lancer une campagne dans leur pays.