L’esclavage gangrène la Mauritanie contre vents et marées. Et cela, depuis trop longtemps. Néanmoins, les Nations Unies considèrent que Nouakchott fait des progrès dans sa lutte contre ce fléau.
A la clôture d’une visite de 10 jours dans le pays, Tomoya Obokata, Rapporteur spécial de l’ONU, a en effet indiqué que depuis sa dernière visite en 2014, « la Mauritanie a pris des mesures importantes pour combattre l’esclavage, avec une plus grande volonté de discuter ouvertement de ces questions (épineuses) ».
Néanmoins, l’intéressé a « appelé les autorités à prendre des mesures urgentes pour accélérer la mise en œuvre de la législation anti-esclavagiste mauritanienne et à résoudre les problèmes pratiques, juridiques, et les obstacles sociaux qui empêchent les personnes touchées par l’esclavage d’aller en justice et d’atteindre l’égalité ».
Langue de bois
Dans les faits, la position de l’Etat mauritanien sur cette triste réalité peut laisser perplexe, puisque outre son abolition en 1981, ce dernier a également érigé l’esclavage au rang de crime contre l’humanité, en vertu d’une loi votée en août 2015. Un texte sensé sanctionner les contrevenants à des peines pouvant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement, contre 5 à 10 ans auparavant.
Toutefois, les résultats demeurent aux abonnés absents, puisque 43 000 personnes subissaient encore les conséquences de l’esclavage en 2016. Soit environ 1% de la population totale, souligne un rapport d’Amnesty International. Un chiffre qui continuera à prospérer, donc, faute d’une réelle volonté gouvernementale d’inverser la tendance.
« Les lois n’ont pas été mises en œuvre ni appliquées de manière adéquate. En conséquence, ces textes n’ont vraiment eu aucune incidence sur la vie des gens », pestait ainsi en mars 2019 Alioune Tine, le directeur de l’organisation pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Quant à François Patuel, chercheur pour l’Afrique de l’Ouest, ce dernier tirait à boulets rouges sur la langue de bois des autorités « qui ont choisi de s’en prendre à ceux qui s’opposent au discours officiel ».
Les Mauritaniens main dans la main pour défendre les droits des Haratins
Pour rappel, les Mauritaniens ont défilé en masse au printemps 2019 pour dénoncer le sort réservé par l’Etat aux descendants d’esclaves. La société civile défendait ainsi l’égalité d’accès aux droits sociaux, politiques et économiques des Haratins.
Ces descendants d’esclaves noirs – amenés des régions subsahariennes par les marchands arabes ou berbères, ou issus de la période d’esclavagisme du monde arabo-musulman – font malheureusement l’objet d’une large marginalisation par les élites locales.