Le vendredi 4 mars, le ministre du Commerce et de l’Industrie, Souleymane Diarrassouba, a imputé les prix galopants de certains produits de base, notamment les denrées alimentaires de grande consommation, à une « combinaison de facteurs exogènes et endogènes ». Le gouvernement a dès lors présenté une série de mesures destinées à préserver le pouvoir d’achat des ménages, parmi lesquelles redynamiser la culture vivrière ivoirienne.
Le plafonnement du prix de produits de base pour contenir une inflation mondiale
La cherté de la vie est décriée depuis déjà quelques mois en Côte d’Ivoire. Si le gouvernement a indiqué qu’il allait subventionner partiellement le gasoil entre janvier et mars 2022, grâce à un budget de 55 milliards de francs CFA, le sujet des denrées alimentaires n’avait jusque-là pas été réellement appréhendé. D’autant que certains produits ont depuis connu des hausses de prix allant de 10% à 40% (huiles, riz, viandes, etc.). À cet égard, les dernières estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ne se montrent pas rassurantes, tant son indice dédié aux prix des produits alimentaires a atteint, dans le monde, un nouveau niveau record en février 2022.
Cette inflation, « phénomène malheureusement mondial » selon les termes du président Alassane Ouattara, est le résultat de difficultés sur les chaînes d’approvisionnement. La fulgurance de la reprise économique liée à la crise sanitaire a entraîné une hausse des prix du fret maritime, à laquelle se superposent des importations chinoises massives. En 2021, la Chine a importé plus de cinquante millions de tonnes de céréales contre, ordinairement, une vingtaine de millions par an, provoquant dès lors des prix galopants, dont la Côte d’Ivoire a été une victime collatérale. Une épidémie de peste porcine africaine a de plus réduit le cheptel porcin du géant asiatique qui, par conséquent, a été contraint d’accroître ses importations de viandes, au détriment de l’approvisionnement d’autres pays.
Pour limiter les retombées de cette inflation, les autorités ivoiriennes ont annoncé plusieurs mesures visant à préserver le pouvoir d’achat de la population, à commencer par le plafonnement pendant trois mois des prix de plusieurs produits de consommation. Ces derniers, qui sont passés le mercredi 9 mars de quatre à vingt-et-un, sont notamment la farine, la baguette de pain, la viande (bœuf, porc et mouton), l’huile de table raffinée, le riz local, les matériaux de construction, les tarifs des transport, les loyers de maison à habitat social, l’eau, l’électricité, et les tarifs des fournisseurs d’accès à Internet.
Développer le marché vivrier national pour réduire la cherté de la vie
L’Afrique de l’Ouest n’a pas été épargnée par la flambée mondiale des prix des denrées alimentaires qui, selon la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), a contribué à augmenter la cherté de la vie dans la région. Au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), l’inflation est passée de 6% à 6,5% entre décembre 2021 et janvier 2022. La Côte d’Ivoire a notamment enregistré le deuxième « meilleur » taux, estimé à 5,6%, derrière le Sénégal (5,5%), mais devant le Burkina Faso (7,2%), le Togo (7,5 %), le Bénin (7,9 %), ou encore le Mali (8,7 %).
Pour autant, le pays, à l’image de la région, demeure largement tributaire des importations quant aux produits agricoles. Si les ressources vivrières locales ont tendance à approvisionner les marchés urbains, les métropoles sont de leur côté davantage importatrices nettes. Outre l’insécurité au Sahel, les sanctions de la CEDEAO qui frappent depuis janvier 2022 le Mali, maillon important du marché régional de bétail, ont accentué les distorsions sur l’offre de viandes et de légumes en Côte d’Ivoire.
Outre ces facteurs exogènes, le gouvernement a mis en exergue, sur le plan interne, le retard et la faible intensité des pluies. Ces dernières ont en effet limité l’offre nationale des produits vivriers en perturbant le calendrier agricole. Le président Alassane Ouattara a alors rappelé la disposition de l’État à mettre les « moyens qu’il faut » en cas de « besoins d’irrigations ». Pour s’assurer que les stocks ne quittent pas le pays, les autorités soumettront désormais à autorisation les exportations de certains produits de grande consommation, tels que la banane plantain, l’igname, le riz, le manioc et ses dérivés (attiéké, placali…). Les producteurs du secteur vivrier, essentiel à l’économie ivoirienne, recevront en outre un appui financier pour faciliter leurs approvisionnements du marché intérieur.
Vers davantage de concertation et de communication
Le gouvernement de Patrick Achi a par ailleurs indiqué que sa communication sera désormais bâtie sur les principes de « l’information préalable » et de la « concertation ». Les autorités publiques ont en effet souligné, concernant la mise en œuvre des mesures présentées, qu’elles feront preuve de transparence pour informer le grand public des prix pratiqués, de la disponibilité des produits de grande consommation, ainsi que de l’évolution des cours des produits sur le marché international. Elles mettront également en place des consultations avec tous les acteurs compétents, pendant une période de six mois, avant toute augmentation potentielle des prix des principales denrées.
En ce sens, la décision de réglementer le 9 mars les prix de vingt-et-un produits, au lieu des quatre initiaux, conformément aux demandes des associations des consommateurs ivoiriens, constitue un bon début de dialogue. La liste des biens aux prix contrôlés avait en effet été inchangée depuis 1997.