Au Nigeria, plusieurs dizaines de membres du groupe djihadiste Boko Haram et leurs familles ont récemment annoncé leur reddition face au peuple. Mais les habitants jusque là maltraités par ces terroristes restent sur leurs gardes…
La diffusion d’images de dizaines de djihadistes de Boko Haram, et de leurs familles, se rendant en août 2021 à l’armée dans l’État de Borno (nord-est), a suscité un vif débat au Nigeria. Certains de ces djihadistes n’hésitaient pas à brandir des pancartes demandant pardon aux Nigérians. Mais la stratégie de guerre menée par Abuja face à ces insurgés ne fait pas l’unanimité.
Le Nigeria a notamment mis en place le « Safe Corridor », un programme visant à réhabiliter d’anciens djihadistes et les inciter à rendre les armes, contre une forme de pardon. De nombreux habitants craignent donc que les djihadistes réintègrent la société : « Nous devons choisir entre une guerre sans fin ou accepter prudemment des terroristes qui se sont rendus, ce qui est vraiment douloureux et difficile pour tous ceux qui ont perdus des êtres chers », a déclaré Babanaga Umara Zulum, le gouverneur de l’État.
Pour les habitants, « réhabiliter ces terroristes, leur donner une certaine somme d’argent pour recommencer leur vie », est une décision critiquables, quand, eux, diplômés et honnêtes, ne se sentent pas reconnus par leur gouvernement. « Vous ne pouvez pas tuer mon père, tuer ma mère, tuer mon frère, et ensuite entendre le gouvernement dire on vous pardonne et vous pourrez venir vous réinstaller dans la ville. Vous ne pouvez pas réhabiliter un terroriste en seulement six mois ».
Succès de l’armée du Niger ou avancée de l’Iswap ?
Ce conflit contre Boko Haram a commencé en 2009, et a fait plus de 40 000 morts et plus de 2 millions de déplacés. Selon l’armée nigériane, ce sont les actions militaires menées contre ces djihadistes qui ont poussé certains d’entre eux à la rédemption. Environ 1 000 repentis et les membres de leurs familles, seraient devenus la preuve du succès de l’armée nigériane.
« Nous progressons et nous obtenons des résultats, et si nous continuons, et nous devrions le faire, nous pourrions conclure cet épisode dans le Nord-Est », a notamment déclaré le lieutenant-général Farouk Yahaya. « Nous appelons les autres djihadistes qui se cachent dans la brousse à se rendre et à déposer les armes comme leurs collègues ».
Mais, selon d’autres analystes, comme Vincent Foucher, chercheur au CNRS (le Centre National de Recherche Scientifique en France), c’est surtout parce que Boko Haram a perdu le plus grand nombre de ses effectifs dans les luttes contre des djihadistes rivaux, membres du groupe État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), que ces 1 000 combattants ont décidé de déserter.
Il rappelle notamment qu’Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, est mort en mai 2021, lors d’affrontements avec l’Iswap, permettant à ce dernier groupe de consolider ses territoires au Nord-Est. Selon des sources sécuritaires, les chefs de l’Iswap tuent régulièrement des factions de Boko Haram et et offrent à ceux qui restent de rejoindre leurs groupes.