Au Tchad, le Conseil militaire de Transition (CMT), dirigé par Mahamat Déby, fils de l’ancien président Idriss Déby, semble tenir ses promesses d’acheminement vers des élections démocratiques. Avec l’installation, le 14 août dernier, d’un Comité d’organisation du dialogue national inclusif, Mahamat Idriss Déby réaffirme sa volonté de tenir ses objectifs de transition démocratique dans les 18 mois avec, en ligne de mire, l’organisation des élections présidentielles et législatives. Le calendrier officiel prévoit des élections libres, entre « juin et septembre 2022 ».
Une posture de dialogue rassurante pour une partie de l’opposition
Beaucoup en doutaient. À son arrivée au pouvoir le 21 avril dernier, Mahamat Idriss Déby s’était engagé à ne pas faire perdurer plus de 18 mois le conseil militaire de transition et à en faire simplement un organe destiné à préparer la tenue d’élections libres, tout en garantissant la stabilité politique et sécuritaire du Tchad. Aujourd’hui, le CMT semble être en passe de réussir ce défi d’ampleur dans un pays encore menacé par les querelles intestines et les manœuvres de déstabilisation venues de puissances étrangères. Mission globalement réussie, car malgré les risques d’éclatement, le CMT a réussi à maintenir la paix civile dans le pays.
Première étape vers la transition démocratique, la nomination, par décret, des membres du tout nouveau dialogue national inclusif le samedi 14 août dernier. En tout et pour tout, 70 membres devraient ainsi prendre part à ce cadre de discussions et de débats, crucial pour l’avenir du pays. Avec une grande diversité dans sa composition. Par exemple, le poste de second vice-président est ainsi occupé par Sabine Larlem, représentant l’association pour la promotion des libertés fondamentales au Tchad (APLFT) et le poste de 4ème vice-président par Wagning Bourdanne, du parti d’opposition RNDT — Le Réveil. Ce conseil devrait rendre ses travaux dans les mois à venir.
Face aux doutes persistants, le premier président du Comité, Saleh Kebzabo, lui aussi issu de l’opposition, a tenu à lever les potentielles inquiétudes, en rappelant que le CMT n’avait pas vocation à perdurer au-delà des 18 mois prévus initialement. « J’ai un chronogramme en main moi, je ne dis pas des choses en l’air. J’ai rédigé un chronogramme à partir duquel il est patent que la transition va durer 18 mois et pas plus » a-t-il ainsi affirmé au micro de RFI le dimanche 15 août dernier.
Main tendue aux oppositions les plus radicales
Cette première étape s’inscrit dans les discours de réconciliation de Mahamat Déby à destination des forces de l’opposition tchadienne. Le 11 août dernier, le président de la République a même tendu la main aux mouvements armés à travers « un appel pressant aux groupes politico-militaires de reconsidérer leur position et revenir nous retrouver pour une impulsion collective ». Un appel en forme de main tendue au Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), un groupe armé implanté dans le pays et bénéficiant de bases arrière et logistiques en Libye, dont les incursions menacent régulièrement la sécurité de l’un des États les plus stables de la région.
La tonalité bien peu guerrière de Mahamat Déby a même été saluée par certains médias étrangers. « Il faut le reconnaître, un président de transition qui plus est un militaire et légataire forcé appelle les partis politiques au dialogue, on ne peut que s’en féliciter et espérer qu’il soit accompagné d’une dose de sincérité » affirme ainsi Davy Richard Sekone, éditorialiste au média burkinabè « Aujourd’hui au Faso ». Une invitation au dialogue désormais entre les mains du FACT. « Est-ce que le FACT est prêt à rentrer dans le rang, à dialoguer ? C’est à eux qu’il faut poser la question » explique en ce sens Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement. D’autres organisations plus marginales, très récalcitrantes au cadre de dialogue, refusent encore de s’engager dans le débat politique, comme par exemple, le Wakit Taman, coalition d’organisations issues de la société civile.
D’autres signes d’assouplissements avaient, avant la mise en œuvre du cadre de dialogue, d’ores et déjà été pris par Mahamat Déby, dont certains hautement symboliques, comme la libération de nombreux détenus d’opinion, la création d’un ministère d’État chargé de la réconciliation nationale ou encore le retour au pays de l’un des plus grands opposants au père de Mahamat Déby, Yaya Dillo. « En cent jours, une bonne partie du couvercle de fer qui verrouillait la vie politique tchadienne à la fin du règne du maréchal a été levée et, sauf à être aveuglé par le délit de patronyme, c’est à son fils qu’en revient le crédit » estime même François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, dans une tribune publiée le 10 août dernier. Quant à la réussite du cadre de dialogue, il faudra encore attendre plusieurs mois pour juger de la pertinence de ses conclusions. Mais l’espoir reste présent, au vu des signaux positifs envoyés par Mahamat Déby.