Son retour était attendu par ses partisans. Jeudi 17 juin 2021, Laurent Gbagbo a foulé le sol ivoirien, 10 ans après son transfèrement à la prison de la cour pénale internationale, à La Haye.
Des rumeurs faisaient état de sa séparation avec son épouse, Simone Gbagbo. Les images des scènes qui se sont déroulées à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, jeudi 17 juin, largement commentées sur les réseaux sociaux, ont convaincu les plus sceptiques. En effet, Simone Gbagbo n’était pas la bienvenue. Elle y était persona non grata, comme l’a dévoilé, la veille, son avocat, Me Rodrigue Dadjé, qui a dénoncé l’interdiction faite à sa cliente de se rendre à l’accueil de son époux, Laurent Gbagbo : « J’apprends ce soir que Monsieur Monnet Léon, le coordonnateur général de l’organisation de l’accueil du Président Laurent Gbagbo, est venu en personne voir Mme Simone Gbagbo pour l’informer de ce que le président Laurent Gbagbo ne voudrait pas la voir à l’aéroport ce 17 juin pour l’accueillir. Je suis choqué par cette information et espère que Même Simone Gbagbo sera bien présente à l’aéroport », a-t-il réagi dans un post publié sur Facebook.
Simone Gbagbo s’est quand même rendue à l’aéroport. Et la deuxième vice-présidente du Front populaire ivoirien (FPI) a pu avoir accès à son époux. Une situation qui a certainement incommodé Laurent Gbagbo. L’homme est apparu avec, à ses côtés, Kuyo Téa Narcisse, son chef de cabinet et Nadiany Bamba, la mère de son fils, David Al Raïs, qui vit à Bruxelles depuis son incarcération à La Haye. Au sujet de sa compagne, il a confié, lundi 28 juin, lors de sa visite à Mama, son village : « Il faut remercier ma petite femme Nady. () Nady a quitté Accra où elle était en exil, pour demander l’asile au Pays-Bas, pour être à La Haye, à côté de moi, et venir me voir toujours. Les Pays-Bas ne lui ont pas accordé l’asile et c’est donc la Belgique qui lui a accordé l’asile. Elle était à Bruxelles donc, et de Bruxelles à La Haye, ça fait 200 km. Elle a bloqué 3 jours : mardi, jeudi et samedi, où elle était avec moi. Elle faisait 400 km en voiture, au volant. C’est ça qu’elle a fait pour moi principalement. Elle me nourrissait aussi, parce que je n’avais pas d’argent là-bas. »
Une semaine plus tôt, soit lundi 21 juin, Me Mentenon, le conseil de l’ex-président ivoirien, a publié un communiqué qui révèle que « Monsieur Laurent GBAGBO annonce qu’en raison du refus réitéré depuis des années de dame Simone Ehivet de consentir a une séparation amiable, au demeurant voie de règlement appropriée à leurs statuts personnel et politique réciproques, il s’est résolu à saisir ce jour, le juge des affaires matrimoniales du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, d’une demande de divorce. () »
On ne connait pas encore les raisons qui motivent cette décision. Cependant, selon certaines indiscrétions, l’ancien président ivoirien aurait fait part à son épouse de sa volonté de divorcer, dès la sortie de prison, de celle-ci, en août 2018. Pourtant, en décembre 2020, à Yopougon, l’un des bastions du FPI, l’ex-première dame confiait, à propos du retour de l’ancien prisonnier de la CPI : « Le président est en route et je suis en train de repeindre les murs de ma maison pour le recevoir ».
Quid de l’avenir du FPI, un parti déjà fragilisé par la division ?
La vie politique de Laurent et Simone Gbagbo est profondément associée à l’avènement du multipartisme en Côte d’Ivoire. Les chemins de ces deux camarades de lutte se sont croisés à la faveur de l’une de ces nombreuses réunions clandestines qui donneront naissance à ce qui deviendra le Front populaire ivoirien. Ils sont réputés pour leur engagement en faveur de la démocratie et pour leur acharnement contre le colonialisme. Le retour au multipartisme en Côte d’Ivoire est le fruit de leur combat pour l’exercice des libertés. De fait, les humiliations, les brimades, la prison n’ont pas freiné leur détermination à faire triompher leurs idées. Avec la séparation de ce couple emblématique, qui fait couler encre et salive, quid de l’avenir du FPI, un parti déjà fragilisé par la division ? De l’avis de certains observateurs, la deuxième vice-présidente, Simone Gbagbo, par ailleurs membre fondatrice du parti, est soutenue par des sympathisants dont certains reprochent à Laurent Gbagbo « son manque de galanterie vis-vis de son épouse qu’il a humiliée publiquement à son arrivée en Côte d’Ivoire ».
L’affaire provoque une vive polémique et des réactions indignées. Mais l’époux de Simone Gbagbo ne s’est pas encore prononcé publiquement sur la question. Les avis sont divergents et en dépit de sa popularité qui n’est plus à démonter, Laurent Gbagbo n’est pas en odeur de sainteté auprès de certains militants et sympathisants du FPI qui ont pris fait et cause pour son épouse.
