Alors que le continent devrait enregistrer l’un des taux de croissance les plus faibles au monde, la Côte d’Ivoire, présidée par Alassane Ouattara, affiche des objectifs ambitieux et résiste mieux à la crise que ses voisins.
Un continent fortement impacté par la crise
L’Afrique aura-t-elle vraiment été épargnée par la pandémie du Covid-19 ? Certains, notamment à l’OMS, y ont cru. « L’Afrique n’a pas connu une propagation exponentielle de la Covid-19 comme beaucoup le craignaient au départ », se félicitait en septembre dernier le Dr Matshidiso Moeti, directeur régional de l’agence onusienne. Depuis, le constat a changé. Non seulement le continent a été rattrapé par l’épidémie, mais il paie également un tribut particulièrement lourd sur le plan économique. « Aucun des chocs enregistrés ces trente dernières années – ni la crise financière de 2008, ni les Printemps arabes en 2011 – n’avaient eu un tel impact sur l’activité », souligne Yasmine Osman, macroéconomiste au sein du département Afrique de l’Agence française de développement (AFD).
La dépendance aux exportations et l’impossibilité de déployer des plans de soutien à l’économie ont en outre rappelé que le continent fait face à des défis majeurs : surendettement, manque d’investissements privés, forte croissance démographique. Or, comme l’explique Adama Coulibaly, ministre de l’Economie et des finances de la Côte d’Ivoire, si ces menaces pèsent sur l’ensemble du continent, leurs impacts « pourraient affecter le monde entier, et l’Europe en particulier ».
Dans ce contexte, il faut agir vite, comme l’ont bien compris les leaders africains et européens ayant participé au Sommet de Paris sur le financement des économies africaines. Organisée à l’initiative de la France le 18 mai dernier, la réunion visait, selon Emmanuel Macron, à « provoquer un électrochoc pour que le continent africain, qui connaît une forte croissance démographique, ne soit pas laissé seul face à la réduction des opportunités économiques ».
Un objectif certes ambitieux mais atteint, à en croire Adama Coulibaly. Pour le ministre ivoirien, « le sommet a permis d’obtenir des résultats très concrets. Il y a eu une confirmation de certaines initiatives qui étaient déjà en cours, en l’occurrence le moratoire sur la suspension du service de la dette ». M. Coulibaly a salué la nouvelle allocation de DTS (droits de tirages spéciaux) prévue par le FMI à hauteur de 650 milliards de dollars, dont 34 milliards pour l’Afrique (et 24 milliards pour l’Afrique subsaharienne).
« New Deal » pour l’Afrique
Cela suffira-t-il à soutenir les économies du continent ? Une trentaine de dirigeants, africains et européens, ont appelé à lancer un « New Deal » pour permettre à l’Afrique de faire face aux menaces qui la guettent. Parmi les signataires : les présidents français Emmanuel Macron, sénégalais Macky Sall, rwandais Paul Kagame et sud-africain Cyril Ramaphosa. Les dirigeants de Côte d’Ivoire, de Tunisie et d’Égypte, ainsi que les princes héritiers saoudien et émirati Mohammed ben Salmane et Mohammed ben Zayed, en étaient également.
« Alors que le Fonds monétaire international (FMI) estime que les pays africains auront besoin de 285 milliards de dollars [234 milliards d’euros] de financements additionnels d’ici à 2025, il n’existe ni plan de relance ni mécanisme de création monétaire en vigueur pour mobiliser de telles ressources », ont alerté les dirigeants tout en rappelant que « un investissement massif » est nécessaire « dans la santé, l’éducation et la lutte contre le changement climatique » en Afrique.
Conclusion : il faut « aller plus loin » que le sommet parisien du 18 mai et parvenir à « 100 milliards de dollars au bénéfice du continent africain et d’autres pays vulnérables ». Le ministre ivoirien de l’Economie préconise les alliances et la coopération. Pour M. Coulibaly, « un partenariat plus construit avec les économies développées » s’impose, ainsi que sortir du piège de la dette.
Un appel qui fait écho au discours prononcé par Emmanuel Macron lors de sa visite à Kigali le 27 mai dernier. « Je veux ici, en ce jour, assurer la jeunesse rwandaise qu’une autre rencontre est possible. N’effaçant rien de nos passés, il existe l’opportunité d’une alliance respectueuse, lucide, solidaire, mutuellement exigeante, entre la jeunesse du Rwanda et la jeunesse de France », a affirmé le locataire de l’Élysée, dans un pays qui aspire à devenir une économie à revenu intermédiaire d’ici à 2035, et à rejoindre les pays à revenu élevé à l’horizon 2050.
Macron a annoncé que la France va porter son aide au développement « à des niveaux inédits». Ce sont en effet « 500 millions d’euros qui seront engagés sur la période 2019-2023 autour des grandes priorités de notre dialogue avec le Rwanda, en particulier la santé, le numérique, la francophonie ».
La Côte d’Ivoire : l’exception en Afrique de l’Ouest
Des annonces tout aussi ambitieuses ont été faites par Franck Riester en Côte d’Ivoire le 2 juin. Elles ont été accueillies avec enthousiasme par le ministre ivoirien du Commerce et de l’industrie, Souleymane Diarrassouba, qui a rappelé que les défis pour la transformation de l’économie de son pays nécessitent des investissements importants dans le secteur industriel. De son côté, son homologue français s’est engagé à « être l’avocat de la Côte d’Ivoire auprès de [ses] collègues européens afin d’insuffler une dynamique nouvelle à la transformation structurelle de l’économie ivoirienne ».
La Côte d’Ivoire continue de faire figure d’exception sur le continent. Alors que l’Afrique subsaharienne devrait enregistrer en 2021 la croissance économique régionale la plus lente au monde (+ 3,4 % selon le FMI), la Côte d’Ivoire, elle, s’est fixée un objectif de croissance de 6,5 % cette année. Ce qui devrait être atteignable « grâce à la solidité de son économie et aux réformes de grande ampleur engagées depuis l’accession au pouvoir du Président Ouattara », explique Adama Coulibaly.
Afin de préparer le pays à d’autres crises sanitaires, la locomotive de l’Afrique de l’Ouest s’est dotée d’un Plan national de gestion de crise. « C’est un outil clé dans la planification stratégique pour le renforcement de la résilience du pays, face aux crises diverses et multiformes », a estimé Carol Flore-Smereczniak, représentante résidente du PNUD en Côte d’Ivoire.
Sa résilience face à la crise a fait de la Côte d’Ivoire un exemple régional et continental. « Cette belle expérience sera mise au service de mon pays, la République centrafricaine, qui est un pays post-conflit et qui a besoin de pays-frères afin de sortir de la crise qui perdure », a expliqué l’ambassadrice de RCA en Côte d’Ivoire, Maga Lydie Flore.
Résilience, confiance et alliances pourraient être les maîtres-mots dans un continent qui peut encore nous surprendre.