Vraiment en Guinée ici on a l’impression de perdre les traces de la démocratie et la démocratie ne doit pas simplement être sur papiers mais plutôt sur tout le territoire il doive y avoir des exemples sinon ce la dictature qui va dominer.
Un an après un référendum constitutionnel entaché de fraudes, des centaines d’opposants guinéens ont été blessés, torturés, emprisonnés, et plusieurs dizaines ont perdu la vie dans des affrontements d’une violence inouïe, selon de nombreux observateurs locaux et internationaux. Ces persécutions se sont amplifiées depuis octobre dernier, au lendemain de la victoire contestée d’Alpha Condé au scrutin présidentiel. Pour autant, à en croire le chef de l’Etat, il n’y aurait pas de prisonniers politiques en Guinée. Une sortie aussitôt contredite par la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme des Nations Unies, Michelle Bachelet.
Alpha Condé réfute toute hypothèse de prisonniers politiques
Le 24 février dernier, lors de la cérémonie d’ouverture du Guinea Investment Forum à Conakry, le Président Alpha Condé affirmait qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques en Guinée : « La Guinée a fait d’énormes progrès sur le plan des droits humains. Mais on continue toujours de nous considérer comme avant. Les pays qu’on dit démocratiques en Afrique, mettent leurs opposants en prison. Nous, on n’a jamais mis des opposants en prison. Les gens qui sont en prison ne sont pas des hommes politiques ». Une déclaration qui interpelle, lorsque l’on sait que depuis le référendum constitutionnel de mars 2020 (permettant au président de se représenter pour un troisième mandat consécutif), des centaines d’opposants ont été arrêtés et emprisonnés lors de grandes vagues de répression, qui se sont multipliées à l’issue du scrutin présidentiel d’octobre dernier.
Pour preuve, d’après une liste nominative établie par des avocats de l’opposition, entre 350 et 400 militants ou sympathisants du FNDC (Front national de défense de la Constitution) sont détenus dans l’ensemble du pays, dont près de la moitié (167) dans la prison de Conakry. Outre les conditions de détention inhumaines, la plupart des prisonniers n’ont pas accès à un avocat et, en dépit de ce que prévoit le droit international, ne sont pas relâchés en attendant leur procès. Évoquant la sortie d’Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG, s’interroge : « Doit-on en rire ou en pleurer ? » Pour le leader de l’opposition, selon qui « Alpha Condé a crevé le plafond du cynisme en allant jusqu’à nier l’évidence », « tout le monde sait que Chérif Bah, Ousmane Gaoual, Etienne Soropogui, Fonikè Menguè et Souleymane Condé, pour ne citer que ceux-là, sont arrêtés et détenus en raison de leur opposition au troisième mandat ».
Le rapport accablant d’Amnesty International
Il n’est, en effet, pas le seul à le penser. Par la voix de Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest chez Amnesty International, l’ONG a ainsi récemment appelé « les autorités guinéennes à libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes arrêtées et détenues pour avoir simplement usé de leur liberté d’expression et de réunion pacifique ». Le 2 février dernier, Amnesty International publiait un rapport intitulé “Guinée. Morts en détention et prison ferme pour des opposants”, demandant aux autorités guinéennes de « faire la lumière sur les conditions de la mort en détention d’au moins quatre personnes” à Conakry (dont trois militants ou sympathisants de l’UFDG) et de “mettre fin à la vague d’arrestations ciblant depuis la publication des résultats de l’élection présidentielle d’octobre, au moins 400 militants de l’opposition et de membres de la société civile dans tout le pays”.
“Ces personnes sont décédées alors qu’elles étaient détenues dans des prisons qui sont de notoriété publique des mouroirs où les règles ne sont pas appliquées”, selon Fabien Offner. Dans son rapport, Amnesty International fait état d’un “profond mépris pour la vie humaine” de la part du gouvernement guinéen, alors qu’aucune enquête approfondie n’est menée et que les prisonniers ne sont hospitalisés que si leur santé atteint un niveau vraiment critique. Nourriture pourrie, manque de place et absence de soins (dans la prison centrale de Conakry, qui dispose d’une capacité de 300 personnes, un seul médecin est déployé pour 2000 détenus), les conditions de détention sont indignes. De quoi alerter la communauté internationale.
Réaction de la communauté internationale
Au lendemain de l’allocution controversée du Président guinéen, Michelle Bachelet (ancienne présidente du Chili et actuelle Haut-Commissaire aux droits de l’Homme à l’ONU) déplorait ainsi le sort réservé aux opposants politiques, déclarant devant le Conseil des droits de l’Homme, réuni à Genève, que “l’arrestation et la détention de membres de l’opposition et d’activistes de la société civile sous de fausses accusations d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat (…) sapent gravement les fondements de la gouvernance démocratique”, et demandant au gouvernement guinéen de “libérer toutes les personnes détenues pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et de participation, et à garantir des procès équitables aux personnes accusées d’infractions pénales”.
Et ce n’est pas la première fois que la communauté internationale réagit face à la situation critique dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Le 27 janvier, Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, recommandait aux autorités guinéennes de “faire toute la lumière sur les événements qui se déroulent en ce moment, avec éventuellement des mesures à prendre si cette lumière n’est pas faite”. Et le ministre d’ajouter, devant le Sénat : “nous condamnons la poursuite des détentions hors procédures judiciaires d’opposants”. C’est Thomas Rudigoz, député et vice-président du groupe d’amitié France-Guinée, qui avait alerté le chef de la diplomatie sur la situation politique et judiciaire de la Guinée, lors d’un débat à l’Assemblée nationale.
Un peu plus tôt, en décembre dernier, Emmanuel Macron s’était également emparé du sujet, lorsqu’il adressait ses “voeux de succès” à son homologue guinéen pour sa réélection, sans pour autant le féliciter. La raison ? Il précisait dans un entretien publié le 20 novembre sur Jeune Afrique qu’il lui reprochait d’avoir “organisé un référendum et un changement de la Constitution uniquement pour pouvoir garder le pouvoir”.
Une réaction saluée par le FNDC
Alors que le FNDC décrivait le troisième mandat d’Alpha Condé comme “illégitime et illégal”, appelant les Nations Unis à joindre des actes forts aux déclarations de principes, le parti salue, à travers un communiqué de presse diffusé le 27 février, “la franchise de cette prise de position (de Michelle Bachelet, ndlr) contre les graves violations des droits de l’homme en Guinée” qui “confirme, à nouveau, les nombreux rapports accablants issus des enquêtes indépendantes menées par des organisations nationales et internationales”. Le mouvement d’opposition sollicite les Nations Unies pour “joindre des actes forts aux déclarations de principes”, et accélérer “les procédures déclenchées auprès des juridictions internationales” contre le régime d’Alpha Condé, qualifié de “dictateur”. Une dérive autoritaire d’autant moins compréhensible qu’en 2000, Alpha Condé lui-même avait été condamné à cinq ans de réclusion criminelle par la Cour de sûreté de Conakry. L’opposant guinéen de l’époque était poursuivi pour atteinte à l’autorité de l’Etat et tentative de déstabilisation du pays depuis l’étranger. Alpha Condé semble bien avoir oublié ses années derrière les barreaux, et son combat d’alors pour les libertés.