Les jours passent et les incertitudes demeurent, en Guinée, quant à la tenue ce dimanche 22 mars des élections législatives et du référendum constitutionnel annoncés par le président Alpha Condé. Déjà reporté à plusieurs reprises, ce double-scrutin fait l’objet de nombreuses critiques. Fait inédit, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) vient d’assigner la Guinée, la Commission de la CEDEAO et les 14 États membres devant la Cour de Justice de la Communauté pour manquements à leurs obligations de protection des droits de l’homme, de l’État de droit, de la démocratie et de l’ordre constitutionnel.
Le double-scrutin de toutes les incertitudes
Aura lieu ? N’aura pas lieu ? A quelques jours d’un double scrutin boycotté par l’ensemble de l’opposition guinéenne, de nombreuses voix s’élèvent pour en dénoncer le caractère non démocratique et réclamer son report. En cause, notamment, le fichier électoral, qui contiendrait de nombreuses irrégularités. Ancien Premier ministre et président du premier parti d’opposition, l’UFDG, Cellou Dalein Diallo fustige un fichier comptant « quelque 8,3 millions d’électeurs sur une population estimée à 12,2 millions de Guinéens, soit un corps électoral (qui) représenterait donc aujourd’hui 68 % de la population, alors que ce ratio n’atteint nulle part 42 % dans toute la sous-région ».
Réputé proche du pouvoir, le président de la CENI, Salif Kébé, aurait, toujours selon Cellou Dalein Diallo, orchestré une « discrimination flagrante » entre les fiefs du pouvoir et ceux de l’opposition, facilitant l’enrôlement des électeurs, dont des mineurs, dans les premiers, tandis que les seconds voyaient nombre d’électeurs être arbitrairement exclus.
Si Alpha Condé souhaite faire modifier la Constitution, ce ne serait pas en premier lieu, comme il le prétend, pour y apporter des avancées sociales certes décisives (abolition de la peine de mort, égalité hommes/femmes, etc.), mais bien pour pouvoir briguer un troisième mandat, le texte actuel limitant à deux le nombre de mandats que peut exercer un président. Une volonté de mainmise sur le pouvoir dénoncée sans relâche par le FNDC depuis sa création en octobre 2019.
Le FNDC hausse le ton
Rassemblant membres de la société civile et organisations politiques diverses, le FNDC vient d’ailleurs d’assigner « la Guinée, la Commission de la CEDEAO et les 14 États membres devant la Cour de Justice de la Communauté pour manquements à leurs obligations de protection des droits de l’homme, de l’État de droit, de la démocratie et de l’ordre constitutionnel ». Le FNDC entend ainsi « s’opposer catégoriquement au projet de changement constitutionnel d’Alpha Condé visant à lui octroyer un troisième mandat et dénoncer la répression sanglante dirigée contre ses partisans ainsi que les nombreuses atteintes à leurs droits et libertés fondamentaux. »
Dans un communiqué publié le 13 mars dernier, le FNDC rappelle qu’il est « de la responsabilité de la CEDEAO, en tant que garante ultime du respect des droits de l’homme et de l’ordre constitutionnel, de veiller au respect, par les États membres, de l’application effective de ces règles impératives, d’une part ; et de faire en sorte que les États membres qui n’honorent pas leurs obligations soient frappés de sanctions judiciaires et politiques, d’autre part. »
Dont acte ? Si une médiation de la CEDEAO s’est bien rendue à Conakry pour s’y entretenir avec Alpha Condé mardi 17 mars, la rencontre a finalement été annulée par le Chef de l’Etat guinéen à la dernière minute. Un faux bond difficile à expliquer, laissant planer de sérieux doutes quant à la perspective d’une sortie rapide de crise.