En Côte d’Ivoire, plus en plus d’élèves décident de partir en congés de fin d’année plus tôt que prévu, avec des conséquences parfois dramatiques. Si le phénomène est de plus en plus visible, c’est aussi parce que le nombre d’enfants scolarisés s’est envolé depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara.
Un triste Noël avant l’heure
Selon le calendrier scolaire officiel en Côte d’Ivoire, les congés scolaires de fin d’année commencent le vendredi 20 décembre. Mais certains collégiens et lycéens en avaient décidé autrement et ont déserté les salles de classe dès le début du mois. Ce phénomène apparu dans les années 90 ne cesse de s’amplifier dans le pays. Il peut s’expliquer par l’arrêt des devoirs notés et du calcul des moyennes trimestrielles une semaine avant la fin des cours : la dernière semaine de classe de l’année est considérée par certains élèves peu scrupuleux comme du « temps perdu ».
Une fronde qui est parfois violente, avec des agressions à l’encontre des élèves qui ne participent pas au mouvement. Des incidents graves qui ont entraîné des drames à travers le pays : le 4 décembre, un élève de troisième a été tué à Anyama, dans la banlieue nord d’Abidjan. Quatre jours plus tard, c’est à Daloa, dans le Centre-Ouest, qu’un élève de Terminale a été tué. Le 11 décembre, c’est un élève de seconde d’un lycée de Dimbokro, dans le Centre, qui est mort sous les coups de ses camarades.
C’est justement ce 11 décembre que la ministre de l’Éducation nationale Kandia Kamara a convoqué les acteurs de la société civile afin de trouver des solutions. Un phénomène social qui s’est propagé malgré les précédentes mises en garde du gouvernement, les séances de sensibilisation et l’indignation de l’opinion publique. Parents d’élèves, chefs traditionnels, forces de l’ordre et membres du gouvernement se sont concertés et il a d’ores et déjà été décidé que les élèves frondeurs seront renvoyés et que leurs parents devront, le cas échéant, rembourser les dégâts commis dans les établissements scolaires.
La démocratisation massive de l’Éducation en Côte d’Ivoire
Certains acteurs préconisent également de mieux contrôler et de sécuriser l’accès aux établissements scolaires afin d’éviter l’intrusion et l’action de perturbateurs. Cette recommandation met paradoxalement en exergue la réussite de la politique de scolarisation engagée par le gouvernement d’Alassane Ouattara depuis 2011 : l’augmentation massive du nombre d’élèves — les taux de scolarisation sont passés de 72,6 % à 91,3 % entre 2011 et 2019 — entraîne en toute logique une augmentation du nombre de potentiels candidats aux « congés anticipés ». Mais la crise actuelle traduit un manque de ressources humaines pour encadrer cette masse de nouveaux étudiants.
Le gouvernement ivoirien n’a pourtant pas ménagé ses efforts en la matière : plus de 54 000 personnels enseignants et d’encadrement ont été recrutés sur la période 2011-2018 — dont 8 640 enseignants du secondaire — auxquels s’ajoutent 3 194 recrutés en 2019 et 5000 autres recrutés dans le cadre du Programme social du Gouvernement. Ces derniers bénéficient actuellement d’une formation qui a déjà été dispensée à hauteur de 75 % et qui devrait être finalisée lors de ces congés de fin d’année. Cette ambitieuse politique éducative est donc victime de son succès, et le Ministère de l’Éducation devra continuer à embaucher à un rythme soutenu afin de mieux encadrer ces nouveaux élèves.
Enfin, ces heurts agissent comme un miroir déformant, qui masquent les immenses progrès accomplis par la Côte d’Ivoire en matière d’éducation : l’indice de parité filles/garçons est passé de 0,86 à 0,99 au primaire et de 0,74 à 0,86 dans le secondaire depuis l’élection d’Alassane Ouatarra. Sur la même période, le taux de réussite au BEPC a plus que triplé (passant de 17,14 % à 57,31 %) tandis que celui du BAC a bondi de 25,22 % à 41,23 %.
La transition massive vers un système scolaire moderne ne s’est pas faite sans difficulté en Côte d’Ivoire, notamment en termes d’encadrements pour gérer certains débordements. Mais les violences de ces derniers jours sont surtout symptomatiques de la transformation en profondeur du modèle éducationnel ivoirien.
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