Alors que les élections législatives ont lieu dans moins de trois semaines, le Bénin traverse une des plus graves crises de son Histoire récente. En cause : la décision prise par la commission électorale de ne laisser se présenter que des partis proches du président Patrice Talon. Sauf coup de théâtre, l’opposition sera de facto exclue du scrutin. Partout, les voix s’élèvent pour dénoncer un coup de force du pouvoir, laissant présager le pire pour l’avenir d’un pays longtemps présenté comme un modèle dans la région.
Tout est parti d’une modification du code électoral adoptée l’an dernier afin de durcir les règles régissant les partis politiques. Aux termes de ces nouvelles règles, la commission électorale nationale autonome a estimé début mars que seules deux formations auraient le droit de concourir au scrutin du 28 avril prochain visant à renouveler les 83 sièges du Parlement béninois. Deux formations appartenant à la mouvance du président Talon. La commission jure qu’elle ne fait qu’appliquer scrupuleusement la Constitution. Mais pour l’opposition, cette décision témoigne d’une stratégie délibérée du pouvoir qui risque de transformer le Bénin en « démocrature » à l’Africaine.
Les tentatives de conciliation lancées pour trouver une sortie de crise se sont pour l’heure révélées infructueuses. Le 1er avril, les discussions à l’Assemblée censées aboutir à un retoquage de la loi électorale autorisant l’opposition à se présenter se sont conclues sur un échec. Dans le même temps, recevant au Palais de la Marina les responsables des principales institutions du pays, le président Talon a également conclu à l’absence de consensus. Une réunion qualifiée par le journaliste Titus Folly de « requiem de la démocratie béninoise ».
Depuis l’éclatement de la crise, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la tournure qu’ont pris les événements. L’ancien président Nicéphore Soglo a qualifié la situation d’« ubuesque ». Éric Houndété, vice-président du Parlement et l’un des leaders de l’opposition proche de Boni Yayi, a assuré quant à lui que « sans l’opposition il n’y aura pas d’élections au Bénin ».
Le spectre du chaos politique
A l’instar de l’ancien ministre Théophile Yarou, l’opposition a annoncé vouloir épuiser tous les recours légaux pour faire annuler la décision de la commission électorale. Dans le même temps, elle semble décidée à jouer la carte de la rue. Alors que la campagne officielle s’ouvrira le 12 avril, les ténors se mobilisent pour appeler les Béninois à manifester leur colère contre leur président.
Reste à savoir comment Patrice Talon sauvera son image, assimilée de plus en plus à celle d’un autocrate, et de quelle manière le gouvernement réagira à ces marches d’opposition. Le 4 avril, des centaines de manifestants ont voulu se réunir à Cotonou à l’appel de plusieurs partis afin « d’envahir » les locaux de la commission électorale : le défilé a été dispersé par les forces armées avant même de se mettre en marche.
Les prochaines semaines risquent d’être déterminantes pour la stabilité du pays. Le politologue Juste Codjo a déjà mis en garde contre le risque d’une inflammation du conflit en invoquant le précédent ivoirien. En 1994, les partisans du président Henry Konan Bédié s’étaient dotés des mécanismes nécessaires pour exclure toutes les voix discordantes en modifiant le code électoral. Cinq ans plus tard, bien qu’élu avec une majorité écrasante, il avait tellement exacerbé les oppositions qu’il était renversé par un coup d’Etat militaire.
« Les stratégies électorales fondées sur l’exclusion peuvent certes garantir des gains pour les auteurs dans l’immédiat, explique M. Condo, mais elles finissent toujours par produire des désastres aux conséquences durables. » Et le politologue de conclure, sur un ton alarmiste : si le chef de l’Etat devait persévérer dans sa stratégie, « le Bénin aurait indubitablement fait un pas de plus vers le chaos qui s’annonce à l’horizon ».
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