Malgré des conditions naturelles particulièrement adaptées, les énergies renouvelables sont encore largement sous-exploitées en Afrique. Mais l’essor mondial de la finance verte pourrait tout changer et, à en croire les spécialistes, faire du continent africain un acteur principal du marché.
La finance verte a le vent en poupe, et ce n’est pas l’agence Moody’s, qui a prédit « l’accélération » des émissions souveraines de « green bonds » (« obligations vertes ») au niveau mondial qui dira le contraire. Alors que 180 milliards d’euros supplémentaires doivent être investis chaque année dans la transition énergétique et l’économie bas carbone selon la Commission européenne, l’agence de notation britannique a souligné le 9 juillet dernier l’intérêt pour les investisseurs « de diversifier leurs expositions » dans des projets d’énergies renouvelables, de transports propres et de gestion des déchets. Un appel pressenti par les six fonds souverains de Norvège, de Nouvelle-Zélande, du Qatar, d’Arabie saoudite, du Koweït et des Émirats arabes unis, qui ont présenté le 6 juillet à l’Élysée une charte visant à lutter contre le changement climatique. Le choix de la capitale française pour annoncer la mobilisation de ces alliés pesant plus de 3 000 milliards de dollars en recettes en hydrocarbures ne doit rien au hasard. La France est en effet le premier pays européen et troisième mondial en matière de finance verte, avec 37 milliards d’euros de titres souverains émis par l’État et les entreprises, ainsi qu’une première OAT (obligation assimilable du Trésor) lancée en juin à 14,8 milliards d’euros.
« L’engagement de la France dans la lutte contre le changement climatique et pour la transition écologique est indéniable. Les avancées en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix électrique français sont incontestables, assure Xavier Girre, Directeur exécutif en charge de la direction financière chez EDF dont le groupe a investi l’équivalent de 4,5 milliards d’euros dans les projets renouvelables depuis 2013. […] Les acteurs du financement de l’économie privilégient de plus en plus les investissements qui favorisent une croissance bas carbone. Ils intègrent désormais dans leurs choix d’allocation des critères environnementaux, sociaux, sociétaux et éthiques. » Devancé par la Pologne pour l’émission de la première obligation verte gouvernementale en décembre 2016, l’État français n’est certes pas pionnier mais fait toutefois figure de modèle en la matière puisque, outre les six nouveaux venus sous perfusion d’or noir, de plus en plus de nations lui emboitent le pas à travers le monde, de la Belgique aux Fidji en passant par l’Indonésie, la Lituanie, le Maroc et le Nigeria.
Le Maroc, hub africain de la finance verte
Comme en Asie, le secteur des énergies renouvelables intéresse un nombre croissant de gouvernements africains, dont la transition énergétique à venir ou déjà en cours attire, quant à elle, l’attention du monde entier. Fort d’un immense potentiel hydraulique, solaire et éolien, le futur continent le plus peuplé de la planète à l’horizon 2050 ne reçoit pourtant que 4 % des financements liés au climat, alors même qu’il sera le plus vulnérable au changement climatique, soulignait Saïd Ibrahimi, directeur de Casablanca Finance City (CFC), lors des Rencontres financières de Paris Europlace en juillet 2016. Il y a deux ans, seulement neuf « think tanks » sur 300 dans le monde étaient localisés en Afrique. Conscientes de ce paradoxe, les voix s’élèvent pour éviter un gâchis d’ampleur planétaire, comme celle d’Anton Schleiss, président de la Commission internationale des grands barrages, qui assurait lors d’une conférence sur l’eau et l’énergie organisée en mars 2017 à Marrakech que l’Afrique pouvait devenir le « continent leader » dans la production d’énergies renouvelables. Plusieurs pays africains figurent d’ailleurs parmi les plus avancés de la planète en la matière : l’an dernier, l’Éthiopie pointait ainsi en tête du classement mondial avec 93,9 % de son électricité produite à partir d’énergies vertes. Devançant l’Islande (89,07 %), Addis-Abeba était accompagné dans le top 10 de six autres pays africains (Zambie, Mozambique, Tanzanie, Kenya, Togo et Nigeria) à la part de renouvelables supérieure à 80 %.
Pour que les investissements abondent vers ces projets, la finance verte s’organise en Afrique, à commencer par le Maroc, qui se positionne en véritable « hub » continental. « Nous avons des fonds d’investissement qui se sont spécialisés dans le vert et c’est ce que nous ne cessons de promouvoir pour attirer de plus en plus de fonds d’investissement d’asset managers sur l’Afrique, affirme Lamia Merzouki, directrice adjointe de CFC. La promotion des fonds d’investissement verts se matérialise de plusieurs manières : nous avons organisé plusieurs événements tels que le Climate Finance Day, à la veille de la COP22 qui s’est tenue à Marrakech, considéré comme l’un des plus grands événements de la finance verte dans le monde. Nous avons [aussi] initié avec les Nations-Unis les principes de positiving pact, [dont] le premier lancement en Afrique est fait à Casablanca, [et] le réseau des centres financiers verts au Maroc. » D’autres pays africains mettent la finance verte à l’honneur, comme la Zambie, le Kenya, le Ghana et la Côte d’Ivoire, qui accueillait à son tour la Green Finance Conférence en juin dernier. Le principal thème de cette quatrième édition est justement l’accès aux circuits de financement, qui séparent encore l’Afrique d’une place somme toute logique au soleil.
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