Publié le 12/03/2018
Ancien Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Togo, Jonathan Fiawoo occupe de nombreuses responsabilités entrepreneuriales et institutionnelles en Afrique de l’Ouest. Il est notamment administrateur de la BRVM, la Bourse Régionale de Valeurs Mobilières.
Jonathan Fiawoo est également administrateur et ancien Président de la Maison de l’Afrique, institution au sein de laquelle il milite pour une meilleure prise en compte du dialogue inter-culturel entre la France et l’Afrique.
Tribune Ouest – Quelle place occupe la culture dans la relation entre la France et le continent africain ?
Jonathan Fiawoo – Malheureusement, la culture est le parent pauvre des relations entre Paris et les pays africains. Les rencontres entre chefs d’Etat donnent lieu à de vastes commentaires quant au développement des liens économiques, de l’aide humanitaire et sécuritaire. Ce sont des enjeux très importants qui cachent toutefois le besoin de parler de culture et de tisser des liens forts dans ce domaine. Heureusement, les choses semblent devoir changer depuis la prise de fonction du Président français Emmanuel Macron.
Quel est votre sentiment au sujet de la mission lancée par le Président Macron pour la restitution d’œuvres d’art aux pays africains ?
Il s’agit d’une initiative très louable et qui va dans le bon sens. La France semble ainsi prendre au sérieux l’importance de la culture dans sa relation au continent africain. La nomination de deux experts – Bénédicte Savoy et Felwine Sarr – constitue un premier pas très important. Leurs conclusions ne seront pas connues avant au moins six mois, mais cette mission a au moins pour mérite de mettre sur la table un sujet sensible qui ne peut plus être mis sous le tapis.
Les efforts du président béninois, Patrice Talon ont finalement porté leurs fruits…
Il est vrai que le Président Talon travaille depuis longtemps sur la question de la restitution des œuvres d’art. La délégation béninoise à l’UNESCO estime qu’entre 4 000 et 6 000 objets béninois se trouvent aujourd’hui exposés en France dans les musées et des collections privées. Cela démontre l’ampleur du pillage dont a été victime l’Afrique du temps de la colonisation.
Il est temps de revenir sur certains abus sans esprit de vengeance. Comme l’a dit Emmanuel Macron en novembre dernier, il est primordial que le patrimoine africain « soit mis en valeur à Paris, mais aussi à Dakar, Lagos, Cotonou… ». A terme, nous pouvons espérer le rapatriement de milliers d’œuvres d’art qui viendront compléter les collections de dizaines de musées sur notre continent. Le développement de nos pays doit aussi inclure un volet culturel et il est urgent que les jeunes générations prennent conscience de leur histoire. L’Afrique n’est pas née le jour où elle a été décolonisée.
La langue française reste toutefois un fort marqueur de l’influence française. Est-ce un atout ?
Le français est un bel héritage qui appartient à chacun d’entre nous. Contrairement à ce qui a trop longtemps prévalu, il ne s’agit pas d’une langue et d’une manière de penser imposée par l’ancienne puissance colonisatrice, mais d’un bien commun qui évolue au fil du temps. Comme le dit très justement Pierre Buhler, président de l’Institut français, « la langue française n’est plus la propriété de la France ». Elle appartient à chacun et est enrichie chaque jour de nos expériences différentes.
Avec 274 millions de locuteurs dans le monde, le français est une chance qui doit être saisie pour développer les liens culturels entre les pays africains et entre la France et le continent. Les pays africains doivent prendre conscience qu’ils peuvent beaucoup apporter à la France sur le plan culturel. Le temps est aux échanges.
Quel est l’avenir des relations culturelles entre l’Afrique et la France ?
Vous savez, au-delà de la restitution de certaines œuvres d’art qui pourrait parfois créer quelques petites tensions, le futur apparaît comme très prometteur. La France s’engage pleinement dans la voie du dialogue culturel et les Africains comprennent peu à peu qu’ils sont une vraie force de proposition et d’échanges. La littérature, la musique, les arts vivants et bien d’autres champs culturels africains vont continuer à se diffuser auprès d’un public français curieux et intéressé. En se forçant à aller au-delà des raccourcis et clichés, les pays africains peuvent se montrer sous leur vrai visage. Il ne faut plus se cacher et s’exposer avec confiance aux yeux du monde.
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