Que faire face à la chute des cours du cacao ? Telle est la question qui préoccupe en ce moment agriculteurs et politiques en Côte d’Ivoire. Si les cours ont chuté de 30% depuis la fin de l’année 2016, la situation n’est pas pour autant désespérée ; le pays compte notamment profiter du déménagement prochain de l’Organisation Internationale du Cacao en Côte d’Ivoire pour renégocier l’accord international sur le cacao. Objectif : arrimer l’offre à la demande.
Une sur-estimation du prix du marché a conduit à la crise de la filière cacao
Pour essayer de comprendre la situation cacaoyère qui a lieu en ce moment en Côte d’Ivoire, il faut remonter quelques années en arrière.
Entre 2013 et 2016, la Côte d’Ivoire est parvenue à stabiliser sa production de cacao autour de 1 800 000 tonnes. Cette stabilité a permis au gouvernement ivoirien d’établir une planification des prix. Ainsi, de 2014 à 2015, les producteurs percevaient 850 Fcfa/kg. À partir de 2015, le gouvernement a monté les tarifs à 1000 Fcfa/kg, avant que le prix n’atteigne, en 2016, les 1100 Fcfa.
Cependant, cette augmentation des prix, alors que la demande s’est essoufflée ces derniers mois, a entraîné une baisse des exportations et donc une augmentation des stocks d’invendus des planteurs. Ce manque à gagner a poussé des exploitants à descendre dans la rue pour dénoncer la situation.
D’où l’organisation d’un conseil des ministres le 30 mars dernier, lors duquel le ministre de l’Agriculture et du Développement rural a affirmé qu’il « approuve le barème proposé par le Conseil du Café-Cacao (CCC) et un prix garanti de 700 francs CFA/kg aux producteurs pour la campagne intermédiaire 2016-2017 » et qu’il fait confiance au Conseil du Café-Cacao pour « prendre toutes les dispositions opérationnelles, y compris les sanctions appropriées, pour le respect strict du prix aux producteurs ». Ce nouveau prix du kilo de cacao a pris effet au 1er avril, marquant ainsi la date d’ouverture de la campagne intermédiaire 2016-2017.
Pour éviter toute conséquence douloureuse pour les exploitants agricoles ivoiriens, et quand bien même cela devrait affecter directement le budget de l’Etat (on parle de 43 milliards de Fcfa ( ?) de pertes), la Côte d’Ivoire renonce à la taxe d’enregistrement auprès du fisc de 5% et procède à la réduction d’une partie des autres taxes. Une façon aussi de lancer des signaux positifs en direction des agriculteurs.
Le déménagement de l’ICCO à Abidjan accompagne un nouveau processus de négociation
Pour autant, la crise actuelle ne doit pas faire oublier les progrès déjà accomplis dans ce secteur, ni masquer les enjeux à venir.
En effet, l’accroissement constant des prix depuis 5 ans, comme voulu par le gouvernement, a notamment permis aux agriculteurs d’améliorer leurs conditions de vie. Un planteur ivoirien, président d’une coopérative dans le sud-ouest du pays, se confiait à l’automne 2016 au journal Le Monde : « La situation s’est nettement améliorée pour les planteurs depuis 2012. Les conditions de vie sont toujours difficiles, mais nous pouvons sécuriser un peu nos revenus. Nous avons pu construire une maternelle, six classes, et acheter des camions pour la collecte et le transport des fèves jusqu’aux lieux de transformation ».
L’Organisation Internationale du Cacao (ICCO) ne pensait sans doute pas devoir déménager en pleine déprime du marché mondial du cacao. Et pourtant… En quittant Londres, où elle siégeait depuis 44 ans, et en s’installant à Abidjan, l’ICCO compte bien profiter de cette nouvelle implantation locale pour sortir le pays de la crise qu’il traverse. De cette manière, l’ICCO compte notamment apporter un appui direct aux planteurs de Côte d’Ivoire. Comme l’explique Jean-Marc Anga, directeur exécutif de l’Organisation, « le président du Conseil international du cacao a eu des rencontres avec les autorités ivoiriennes ; au menu de ces échanges, il y a la convocation d’un sommet de haut niveau en avril prochain pour débattre de cette situation et voir quelle stratégie mettre en œuvre pour en atténuer les effets et éviter que cela ne se répète ».
Au vu du poids de la filière cacao dans l’économie ivoirienne (15% du PIB et plus de 50% de ses recettes d’exportation, d’après la Banque mondiale), il est attendu de l’ICCO qu’elle apporte des solutions structurelles à la filière, notamment sur la transformation de la fève pour gagner de nouvelles parts de marché et maintenir un niveau viable d’exportation.
Le déménagement de cette prestigieuse institution peut également être vu comme un signe supplémentaire que la Côte d’Ivoire est bel et bien sortie, depuis 2011, de la crise politique.
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