Récemment sorti de prison, le militant mauritanien Biram Ould Abeid entreprend une tournée d’Afrique afin de sensibiliser opinions et pouvoirs publics sur les « crimes esclavagistes » qui subsistent dans son pays.
Il dénonce un « esclavage domestique » et s’insurge contre le « racisme d’Etat » mauritanien. Biram Ould Dah Ould Abeid, président de l’ONG Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), vient d’entreprendre une tournée des pays africains. Il a déjà visité le Sénégal et le Mali, et s’apprête à se rendre en Afrique du Sud et au Burkina Faso, afin de sensibiliser les sociétés civiles africaines à ce qu’il qualifie de « crimes esclavagistes » commis en Mauritanie.
Selon Biram Ould Abeid, « 20% de la population mauritanienne sont toujours des esclaves par ascendance et sont attachés à la famille de leurs maîtres, astreints à travailler sans repos, sans soins, privés d’école, de mariage et de propriété ». Le président de l’ONG, non reconnue par l’Etat mauritanien, dénonce « un apartheid non écrit, implanté en Afrique de l’Ouest contre les Noirs par une minorité en Mauritanie ».
Mais le but de cette tournée africaine est également politique : Biram Ould Abeid souhaite obtenir la condamnation de la Mauritanie, à la faveur de la prochaine session de la Commission africaine des droits de l’homme et du peuple, qui se tiendra en octobre en Gambie. « La société civile africaine va faire pression sur les gouvernements du continent afin qu’ils puissent s’acquitter de leurs devoirs vis-à-vis des populations noires de Mauritanie, comme ils se sont acquittés de leur devoir envers les populations noires en Afrique du Sud du temps de l’apartheid », espère-t-il.
Après une manifestation organisée le 29 juin par IRA et les habitants d’un bidonville de la capitale mauritanienne, treize militants anti-esclavagistes avaient été condamnés, le 18 août, à des peines allant de trois à quinze ans de prison ferme. Leurs avocats avaient vertement dénoncé ce verdict : « ces militants sont des prisonniers d’opinion accusés à tort et incarcérés en vue d’entraver leur travail légitime ». Biram Ould Abeid avait lui-même été condamné, en janvier 2015, à deux ans de prison pour appartenance à une organisation non reconnue et violences contre les forces de l’ordre. Il avait été libéré après dix-huit mois d’enfermement.
Si l’esclavage a été officiellement aboli par la Mauritanie en 1981 et qu’une nouvelle loi, adoptée en août 2015, l’assimile à un crime contre l’humanité, cette pratique perdure pourtant dans le pays. Les condamnations restent rares contre les fautifs, au contraire de celles qui pleuvent sur les militants.