Le fondateur du mouvement Hizmet, régulièrement accusé par le président Turc Recep Erdogan d’être à l’origine du putsch avorté du 15 juillet dernier à Ankara, est monté au créneau vendredi 12 août lors d’une tribune accordée au Monde pour que les autorités internationales fassent toute la lumière sur cette affaire.
L’ancien allié d’Erdogan, aujourd’hui ennemi public numéro un en Turquie et sous le coup d’un mandat d’arrêt international (il est exilé aux Etats-Unis depuis 1999), souhaite en effet se dédouaner des lourdes accusations portées contre lui par les autorités de son pays d’origine.
Ce dernier a donc débuté son plaidoyer en niant tout implication de son mouvement dans cette tentative de déstabilisation du pouvoir :
« Si des militaires qui se disent sympathisants du Hizmet ont trempé dans cette conjuration, je le dis sans aucun état d’âme, ce sont des félons qui ont ébranlé l’unité et l’intégrité du pays, des individus qui ont trahi mon idéal et qui ont fait des centaines de milliers de victimes. Si d’aucuns ont été sous l’influence du penchant interventionniste de l’armée et ont préféré piétiner les valeurs du Hizmet au nom de ce réflexe – ce que je ne pense pas – leurs fautes ne peuvent être imputées à tous les sympathisants du mouvement. Que Dieu les punisse. »
Le prédicateur poursuit d’ailleurs son argumentaire en taclant le système judiciaire turc dont il fustige le manque d’indépendance avec l’exécutif. Il réclame en conséquence une enquête transparente destinée à dénicher les véritables auteurs du coup d’Etat, une issue qu’il juge toutefois utopique :
« Personne, ni moi ni un autre, n’est au-dessus du droit. Je souhaite que tous les coupables, quelle que soit leur affiliation, soient condamnés aux peines qu’ils méritent dans le cadre d’un procès équitable. Mais, depuis octobre 2014, le système judiciaire est sous la tutelle du pouvoir. La probabilité d’obtenir un procès équitable est donc quasi nulle. C’est la raison pour laquelle j’ai appelé à la création d’une commission internationale et annoncé que j’accepterai ses conclusions. »
Fethullah Gülen persiste et signe dans la foulée et condamne avec véhémence la purge menée par Erdogan depuis ce triste épisode (plus de 290 morts) :
« Victimes d’une chasse aux sorcières, des centaines de milliers d’individus vivent un véritable drame humanitaire. Près de 90 000 personnes ont perdu leur emploi, 21 000 professeurs se sont vus retirer leur autorisation d’enseigner. Que souhaite le gouvernement ? Affamer ces gens qui ne peuvent plus exercer leurs métiers et qui sont frappés d’une interdiction de sortie du territoire ? Quelle est alors la différence avec les mesures pré-génocidaires de l’histoire européenne ? », questionne-t-il, las.
Dès lors, bien qu’il réside actuellement sur le territoire américain en Pennsylvanie, F. Gülen se dit prêt à collaborer avec la justice turque à la seule et unique condition « qu’une commission internationale indépendante mène les investigations sur cette tentative de coup d’Etat. »
Avant de conclure avec une confiance non dissimulée : « Si le dixième des accusations dirigées contre moi est établi, je m’engage à retourner en Turquie et à subir la peine la plus lourde. »
Source : Le Monde